Quelques données chiffrées
Nombre total de données et types de contacts
Nombre total de gîtes et périodes d'occupation
Première mention en Rhône-Alpes
La première mention de sérotine commune date du 6 juin 1959 (André Soleilhac). Cette observation est originale par le fait que l’animal a été capturé accidentellement à la canne à pêche près du pont de la violette sur l’Albarine (Chaley). L’individu a été bagué et relâché à Hauteville-Lompnes puis a été retrouvé mort sur la commune de Chaley six ans plus tard !
Distribution actuelle
Espèce paléarctique, la sérotine commune est largement répandue dans toute l’Europe, jusqu’à 55° de latitude Nord. Elle est présente sur une grande partie de la région même si les cartes montrent des vides probablement liés à des défauts de prospections. Peu citée en période hivernale, les connaissances sur sa répartition à cette période sont largement lacunaires.
Le millier de données disponibles ne montre pas une préférence altitudinale particulière. Globalement, le nombre de citations par tranche d’altitude est proportionnel à l’effort de prospection. Dans les Alpes, l’espèce a été observée en activité jusqu’à 2200 mètres d’altitude et en gîte à 1520 mètres. L’espèce est cependant régulière dans les massifs de moyenne montagne (Vercors, Matheysine, Chartreuse, montagne ardéchoise…).
Evolution des connaissances et des effectifs en Rhône-Alpes
Comme pour la plupart des espèces de haut vol, le nombre de citations a largement augmenté avec l’apparition des techniques acoustiques, sensiblement dès 1999 puis plus largement à partir de 2005. Antérieurement aux années 2000, la sérotine commune était principalement contactée au gîte et plus rarement lors de captures au filet. On note depuis 2005 qu’elle est plus régulièrement capturée, ceci étant dû à la fois à l’augmentation de la pression par cette méthode et aussi à une diversification des sites de captures choisis par les chiroptérologues de la région.
En l’état actuel des connaissances, il n’est pas possible de s’avancer sur une évaluation de la population régionale ni sur des différences de niveaux d’abondance entre les grandes entités biogéographiques de la région. En l’absence de recul, l’évolution des populations régionales demeure par ailleurs inconnue.
A l’échelle de la région, les prospections menées depuis 2001 ont permis de faire énormément progresser la connaissance de la distribution effective de l’espèce. On note ainsi un gain de 192 mailles depuis 2001, soit une progression qui permet d’atteindre 52 % de couverture relative de la région (270 mailles sur 519).
L’espèce phare de la Loire ?
Depuis 2011, plusieurs colonies ont été découvertes dans ce département et certaines rassemblant d’importants effectifs (jusqu’à 427 individus). Il est probable que les paysages et le type d’agriculture pratiquée (mosaïques d’habitats ouverts et fermés) dans ce département lui soient favorables. Espérons que les années à venir nous réservent d’autres bonnes surprises !
Acquisition des données en Rhône-Alpes
Les connaissances sur la sérotine commune sont assez inégales au sein de la région. Ainsi, les départements de la Drôme et de l’Isère concentrent 50 % des données. Le cas de l’Isère est intéressant à commenter par le fait qu’il est le plus important pourvoyeur en données de l’espèce (détection acoustique et capture) alors que la Drôme bénéficie d’une pression d’observation globalement beaucoup plus importante. Une plus grande abondance de l’espèce en Isère est une explication plausible.
Les contacts avec la sérotine commune au gîte représentent une fraction peu importante du lot total de données (15,7 %). Cette situation découle notamment du fait de la nature discrète de l’espèce et de son caractère « fissuricole ». Les captures au filet ne représentent que 16 % des données totales.
Sur l’ensemble de la région, 65,5 % des données ont été récoltés grâce aux techniques acoustiques et permettent de parfaire la distribution de l’espèce. Les départements les moins prospectés avec cette méthode sont donc logiquement les moins bien pourvus en données (Loire et Savoie par exemple).
Phénologie d’observation en Rhône-Alpes
Avec près de 65,8 % des citations sur les mois de juin à août, la période estivale demeure la plus favorable à l’observation de l’espèce. Au cours des mois de novembre et décembre, quasiment aucune observation n’est réalisée, ce qui est pour partie lié à une pression d’observation très faible à cette période. Les comptages hivernaux aux gîtes, principalement en janvier et février, permettent de réaliser des contacts rares mais réguliers (6 %).
Malgré une connaissance globale limitée, le nombre de gîtes connus dans la région est relativement important puisque à ce jour, on en dénombre 89 différents. Ces gîtes sont occupés pour 28 % en période hivernale contre 42,7 % en période estivale. En période de transit printanier et automnale, ils représentent respectivement 14,6 % et 24,7 % du total des gîtes découverts.
Nous disposons à l’heure actuelle de trop peu d’informations sur les colonies de reproduction pour fournir des dates moyennes de mise-bas et d’envol des jeunes sur la région. Signalons toutefois une observation de juvéniles en juillet 2000 sur une colonie drômoise et l’observation de jeunes volants et d’adultes dans une colonie ardéchoise le 21 juin 2011. En complément, les opérations de capture au filet ont permis de contacter les premiers jeunes volants à partir de la fin du mois de juin.
Gîtes utilisés par l’espèce en Rhône-Alpes
En hiver, les gîtes où l’on parvient à observer l’espèce sont exclusivement des sites hypogés, cavités naturelles ou artificielles et ouvrages civils. Les effectifs dénombrés sont très faibles avec un, parfois deux individus. Ceci démontre bien que nous ne connaissons pas les gîtes hivernaux de l’espèce en Rhône-Alpes. Si l’on s’en réfère à la bibliographie (Arthur & Lemaire, 2009), la sérotine commune occupe également à cette période des gîtes situés dans le bâti. Les matériaux d’isolation des maisons semblent très appréciés par cette espèce nettement anthropophile mais aucune observation rhônalpine ne vient confirmer ce comportement.
Les gîtes connus dans la région en période de reproduction corroborent d’ailleurs ce comportement puisqu’il s’agit exclusivement de bâtiments. Combles, toitures et arrières de volets peuvent accueillir l’espèce qui semble s’adapter relativement bien aux différents types de constructions : aussi bien habitat moderne en secteur périurbain qu’habitat traditionnel comme dans le cas d’une colonie de reproduction ardéchoise où les individus se tiennent sous le toit d’une grange, entre la volige et la couverture en lauzes. Les églises sont également fréquentées régulièrement, les sérotines gitant classiquement dans la toiture du clocher.
A ce jour, 10 gîtes hébergeant une colonie de reproduction ont été découverts en Rhône-Alpes. L’Isère à elle seule en compte sept, découverts entre 1985 et 1999 lors de prospections systématique des églises et chapelles.
Les effectifs des colonies découvertes sont généralement compris entre 10 et 50 adultes, cependant au moins trois colonies dans la Loire dépassent cet effectif avec un record à 427 individus dénombrés sur l’une d’entre elles le 20 juillet 2013 à Combre. Les premières arrivées sur les sites ont lieu dès le mois de juin mais aucun suivi détaillé n’ayant été mené, nous ne disposons pas d’informations sur la phénologie d’occupation des gîtes.
En période de transit, la sérotine s’observe aussi bien en milieu bâti que dans les gîtes hypogés. Une cavité du Vercors formant un immense porche est connue pour abriter plusieurs dizaines d’individus dès le mois de juillet jusqu’à l’automne, où les animaux semblent occuper des fissures. Ce type de gîte, observé par ailleurs sur une falaise savoyarde peut laisser penser à une activité de swarming (voir encart).
Les gîtes rupestres semblent également recherchés par l’espèce et, malgré la difficulté de prospection de ce type de milieux, plusieurs secteurs de falaises du Vercors (gorges d’Omblèze, de la Bourne ou de la Vernaison, forêt de Saoû) ont permis des observations à l’émergence crépusculaire. Une carrière située dans le Rhône accueille également un groupe de sérotines derrière une écaille de rocher. Dans tous les cas, ces observations ne permettent pas de mettre en évidence la reproduction dans ces gîtes mais elle est cependant très probable.
Habitats exploités en phase d’activité en Rhône-Alpes
Aucune opération de radiopistage n’ayant été menée sur cette espèce, seules les prospections acoustiques ou les milieux où l’espèce a été capturée au filet nous donnent des indications sur les habitats exploités en Rhône-Alpes. La sérotine commune est connue pour son opportunisme alimentaire (Arthur & Lemaire, 2009) et la diversité de ses modes de chasse. Ceci lui confère un éclectisme marqué dans les habitats qu’elle va pouvoir utiliser.
En secteur forestier, on l’observe surtout chasser en clairière et sur les lisières ; un ou plusieurs individus pouvant exploiter de faibles périmètres durant plusieurs heures. Dans les secteurs forestiers de moyenne montagne, elle chasse régulièrement sur les crêtes et recherche les milieux plus ouverts comme les landes ou coupes forestière, notamment dans les massifs de résineux (Monts d’Ardèche, Beaujolais).
En secteur agricole, prairies, vergers et plans d’eau sont régulièrement visités en fonction des émergences d’insectes et de leurs disponibilités. Les linéaires de haies en zones agricoles extensives et les ripisylves sont aussi des milieux où cette espèce est régulièrement observée.
Enfin, c’est un hôte régulier des habitats anthropiques dans leurs différents degrés d’artificialisation. Des hameaux aux bourgs de villages, des zones pavillonnaires aux centre-villes ; les sérotines communes en chasse sont régulièrement observées, notamment autour des éclairages publics. Dans les grands pôles urbains, on peut même observer des densités importantes sur les anciennes zones résidentielles présentant jardins et parcs avec des arbres âgés.
Menaces pesant sur l'espèce en Rhône-Alpes
Les différentes menaces pouvant peser sur les gîtes hypogés ne sont pas un réel problème pour cette espèce qui semble peu les fréquenter, avec de plus des effectifs très modestes. En revanche, ses gîtes de prédilection étant installés dans le bâti et parfois très près de l’homme, il peut y avoir de réelles menaces en raison d’une cohabitation parfois difficile. En effet, les colonies de reproduction peuvent être populeuses et dans certains cas, lorsqu’elles sont installées sous le toit au dessus d’une chambre, les nuisances (sonores et olfactives) ne sont pas négligeables.
Les interventions sur cette espèce lors de SOS chauves-souris ne sont d’ailleurs pas rares et il s’agit toujours d’un « casse-tête » pour le médiateur qui intervient. Nous pouvons citer par exemple ce cas en Val de Drôme où une colonie d’une cinquantaine d’individus (jeunes compris) était installée entre les voliges et tuiles plates d’un appentis utilisé pour garer des voitures au sein d’une grande propriété. Le guano tombait sur les véhicules et les propriétaires ont fini par poser un grillage sur les voliges pour condamner les accès malgré la sensibilisation réalisée.
Les destructions de gîtes peuvent aussi être involontaires, les propriétaires n’étant pas toujours au courant de la présence d’un gîte sous leur toit. Ainsi, les travaux d’isolation, traitement de charpente et renouvellement de toiture constituent de sérieuses menaces à toutes les périodes de l’année.
Même si nous connaissons encore peu de cas, nous pouvons supposer que des colonies sont régulièrement chassées de leur gîte ou victimes de travaux malheureux, et que toute installation demeure précaire.
L’offre en gîtes est cependant potentiellement très grande et c’est très certainement un facteur permettant à l‘espèce de se maintenir dans la mesure où elle est suffisamment plastique pour parvenir à s’adapter en changeant régulièrement de gîte.
Tant que nous ne connaîtrons pas mieux sa capacité de réponse aux perturbations sur ses gîtes, il demeurera délicat de se prononcer sur son statut de conservation. Aussi, le principe de précaution nous contraint pour l’instant à la considérer comme vulnérable quand bien même elle pourrait sembler commune.
Au regard de la diversité des habitats exploités en phase d’activité et de sa capacité à utiliser des milieux dégradés ou perturbés, aucune menace particulière ne se dégage en dehors de celles précédemment avancées. D’une manière générale, toute pression sur l’environnement conduisant à la raréfaction des populations de proies, pèse sur la dynamique de l’espèce prédatrice, la sérotine commune n’y échappant pas.
Toutefois, si l’on se permet de réaliser un parallèle avec les populations d’oiseaux, on observe que l’homogénéisation des habitats conduit à favoriser les espèces généralistes au détriment des spécialistes. La sérotine commune pouvant être considérée comme une « généraliste », on peut supposer que ce n’est pas l’espèce qui souffre le plus de la dégradation des habitats et de l’urbanisation. Elle fait probablement partie des espèces les plus en capacité à s’y adapter.
Comme pour les autres grandes espèces, la disponibilité en grosses proies est un facteur important. Les coléoptères saproxylophages ou coprophages représentant une large part des grosses proies disponibles, les menaces pesant sur les vieux arbres sénescents (coupe « sanitaire » ou de mise en sécurité, mode de sylviculture intensif) constituent un facteur défavorable à l’espèce.
Les éoliennes constituent une menace pour la sérotine commune à la fois en raison des risques de collisions mais aussi à cause de la diminution de la disponibilité en terrains de chasse suite à l’évitement des parcs éoliens.
La communication alarmiste de certains médias sur les problématiques des transmissions de virus par les chauves-souris peut constituer une menace directe pour cette espèce à moyen ou long terme. Etant une grande espèce proche de l’homme, une vague de psychose sur les maladies virales pourraient bien conduire à des destructions volontaires sur des sites où la cohabitation était pourtant sereine.
Swarming rupestre chez la sérotine ?
Lors d’une soirée de capture en entrée de cavité, réalisée en septembre 1999 en bordure du massif de la Chartreuse, plusieurs sérotines communes avaient été observées dans l’enceinte du cirque rocheux, volant à quelques mètres des falaises. Les cris audibles et répétés de chauves-souris avaient attiré l’attention des chiroptérologues car ils semblaient provenir d’animaux posés. En prospectant depuis le pied de la falaise à l’aide de lampes torches, au moins deux sérotines ont été localisées dans une fissure de la falaise. Les individus étaient très actifs et semblaient excités. Lors de cette même soirée, un mâle aux gonades gonflées avait aussi été capturé. Ces observations correspondent probablement à de l’activité d’essaimage et confirment l’intérêt des falaises comme habitat pour cette espèce.
Protection de l’espèce en Rhône-Alpes
Les différentes mesure de protection et mise en tranquillité réalisées sur les gîtes hypogés de la région ne concernent que très peu l’espèce qui demeure anecdotique dans ce type de milieu.
Les interventions sur les bâtiments privés sont toujours délicates à mener et tributaires de la bonne volonté des propriétaires. Ainsi, rares sont les gîtes de reproduction ayant fait l’objet de mesure de protection mais quelques conventions « Refuges pour les chauves-souris » ont été signées sur des colonies ligériennes. Cet outil favorisera incontestablement la sérotine commune en pérennisant ses gîtes.
Non visée par l’annexe II de la directive Habitats Faune Flore, les actions réalisées dans le cadre de la démarche Natura 2000 ne prennent pas en compte la présence de cette espèce. Les mesures d’ordre général visant à améliorer la qualité des habitats naturels lui sont bien entendu bénéfiques, comme pour bien d’autres espèces.
Lacunes identifiées et actions à engager
D’importantes lacunes persistent sur les gîtes utilisés par la sérotine commune, en été comme en hiver. Le caractère « fissuricole » de l’espèce laisse à penser que de nombreuses colonies estivales sont installées en falaises mais cette hypothèse reste à vérifier. La recherche des colonies de reproduction permettrait aussi d’évaluer les effectifs présents en Rhône-Alpes, qui à l’heure actuelle restent inconnus.
Un travail de sensibilisation des corps de métiers du bâtiment (charpentiers, couvreurs…) semble indispensable pour limiter les impacts lors des réfections de toitures des bâtiments. Par ailleurs, il semblerait que les travaux réalisés en falaises prennent très peu en compte les enjeux relatifs aux Chiroptères. Une sensibilisation et une formation des administrations et collectivités à ces questions, notamment pour tous les travaux de protection de voiries (DDT, DREAL, services des routes des Départements…) est nécessaire.