• Petit rhinolophe
    Rhinolophus hipposideros (Bechstein, 1800)
Petit rhinolophe en vol © Y. PEYRARD

Quelques données chiffrées

Nombre total de données et types de contacts



Nombre total de gîtes et périodes d'occupation


Première mention en Rhône-Alpes

Un cadavre est découvert le 23 février 1908 à la grotte de Thaïs (Drôme) (Léger). Le premier individu noté vivant est observé en Ardèche à la grotte de Meysset par Jean Balazuc le 16 décembre 1945.

Distribution actuelle

Petit rhinolophe en sortie de gîte © Y. Peyrard

Évolution des connaissances et des effectifs en Rhône-Alpes

Acquisition des données en Rhône-Alpes

Le petit rhinolophe : roi du cache-cache

Lors d’un radiopistage effectué en Drôme en 2007, trois petits rhinolophes sont suivis pendant près d’une semaine. L’opération, menée au mois d’août, est rendue difficile par des conditions météorologiques fraîches et humides accentuées par un secteur d’étude assez élevé en altitude (plus de 1000 mètres). Au cours du suivi, les trois individus équipés disparaissent en fin de nuit dans un même secteur situé à près d’un kilomètre de leur gîte habituel (bâtiment). Le signal d’un de ces individus est encore perceptible, statique et faible. Les recherches effectuées le lendemain permettent de découvrir une cavité d’où sort le signal en question. Au pied d’une petite falaise, un replat boisé s’avère être un chaos de blocs. Au cœur de celui-ci, nous découvrons plusieurs ouvertures qui mènent à plusieurs petites salles reliées par des étroitures. L’ensemble représente quelques dizaines de mètres de développement. Quatre petits rhinolophes y sont observés, dont l’un des individus équipés. Le signal de l’émetteur d’un autre individu est capté dans la grotte mais il reste introuvable. Plusieurs passages infranchissables laissent envisager une suite…

Le soir même, nous nous apercevons que les trois individus suivis se trouvent dans ce gîte.

Cette anecdote montre, entre autres, la capacité d’exploration et d’utilisation du monde souterrain de cette petite chauve-souris. Cette grotte possède un développement largement supérieur à ce que nous avons pu en voir, inaccessible pour l’homme. Espérons que l’inaccessibilité d’une partie du monde souterrain pour les êtres humains constitue une chance pour le petit rhinolophe. Il dispose ainsi d’un sanctuaire qui le met à l’abri de nos regards indiscrets et… des perturbations, volontaires ou non.

Phénologie d’observation en Rhône-Alpes

Le nombre d’observations tout au long de l’année traduit plus l’activité des observateurs que la présence ou non du petit rhinolophe. Été comme hiver, cette chauve-souris est peu discrète et celui qui souhaite la rencontrer, pour peu qu’il connaisse sa biologie, ne connait pas l’échec.

Le nombre d’observations hivernales (38 % du total), nettement majoritaire par rapport au reste de l’année, met en évidence un engouement marqué, au niveau régional, pour la prospection et le suivi de cavités à la mauvaise saison et ce depuis de longues années.

Si le petit rhinolophe peut s’observer toute l’année en milieu souterrain, il est en revanche très rarement noté dans les bâtiments en hiver et exclusivement dans des caves.

Les suivis de colonies montrent que les naissances ont généralement lieu à partir de juin. La date la plus précoce relevée à ce jour est le deux de ce mois, mais, en général, on observe les premières naissances à partir de la deuxième moitié de juin. Dès la mi-juillet, on peut observer les premiers envols. Comme pour beaucoup d’autres espèces, l’étalement des naissances au sein d’une même colonie peut être important et des jeunes non volants ont été observés après la troisième décade d’août.

Gîtes utilisés par l’espèce en Rhône-Alpes

Les gîtes utilisés en hiver sont exclusivement souterrains, et comprennent les caves et les souterrains bâtis. En Rhône-Alpes, plus de 2900 individus hivernants ont été recensés, répartis sur 583 gîtes différents. On dénombre donc une moyenne de 7,5 individus par gîte. Le maximum observé s’élève à 112 individus sur une grotte d’Ardèche. Sur ce même département, trois cavités très proches les unes des autres rassemblent jusqu’à 170 individus. Les regroupements de plus de 50 individus sont relativement rares. Le suivi mensuel d’une cavité de la Drôme hébergeant une population hivernante assez conséquente (maximum de 50 individus) en 2004-2005 a permis de noter que les premiers hivernants arrivent dès le mois d’octobre. Leur nombre augmente ensuite progressivement et devient important dès le premier coup de froid. Le maximum est atteint dans la première quinzaine de février et la dispersion des individus s’opère dans le courant du mois d’avril.

Le suivi de sites en hiver, comprenant des visites espacées de plusieurs semaines, montre que généralement un certain nombre d’individus occupent fidèlement le même emplacement tout au long de cette saison. D’autres ne stationnent en revanche sur le site que pendant une période limitée et changent d’emplacement (ou de gîte) même au cœur de la mauvaise saison.

Habitats exploités en phase d’activité en Rhône-Alpes

En activité de chasse, le petit rhinolophe exploite essentiellement des milieux forestiers de préférence peuplés d’essences feuillues. Les landes ou prés-bois sont aussi fréquentés comme l’a mis en évidence une opération de radiopistage menée en Drôme en 2007. Lors de cette étude, les milieux ouverts ou les cultures ont été largement évités, de même que les boisements de résineux. Sur le territoire étudié, il est apparu que les forêts de feuillus, situées principalement en fond de vallon, étaient parcourues presque exclusivement lors des nuits fraîches et humides. Les soirées plus clémentes permettaient aux individus de prospecter des milieux plus ouverts (landes et pré-bois). Les distances entre le gîte et les zones de chasse des trois individus suivis étaient comprises entre 1,2 et 2,8 kilomètres.

Lors d’inventaires acoustiques, cette espèce est souvent contactée dans les ripisylves, le long des allées forestières ou sur les lisières. Les landes et pelouses avec bosquets d’arbres sont aussi fréquentées. Il est intéressant de noter que l’exploitation des ripisylves semble importante au printemps probablement du fait d’une production en proies plus précoce que dans d’autres milieux.

En été, des contacts ont été collectés en altitude (plus de 1300 mètres) ce qui peut indiquer un phénomène de transhumance en vue d’exploiter des ressources saisonnières abondantes. Ainsi, dans le Vercors, des observations ont été réalisées à plus de 1350 mètres dans des secteurs de forêts de résineux entrecoupés de prairies.

Le Bugey, bastion du petit rhinolophe !

Au cours de l’été 2012, Fanny Bonnet en stage à la LPO Rhône-Alpes a arpenté le massif du Bugey (Ain) à la recherche des petits rhinolophes avec pour objectif de visiter un maximum de bâtiments. Ainsi, sur environ 1800 kilomètres carrés, 174 bâtiments dont 135 églises et chapelles furent visités dans 137 communes. L’espèce recherchée a été observée dans pas moins de 69 édifices (43 colonies de reproduction) totalisant plus de 1620 adultes et plus de 2000 individus en incluant les jeunes !

Les milieux naturels très favorables à l’espèce et les nombreux gîtes potentiels laissent supposer que la population réelle est beaucoup plus importante.

Le Bugey, un secteur où sont présentes d'importantes populations © R. Letscher

Menaces pesant sur l'espèce en Rhône-Alpes

Jeunes non-volants © Y. Peyrard

Protection de l’espèce en Rhône-Alpes

Lacunes identifiées et actions à engager

La connaissance de cette espèce en Rhône-Alpes est bonne au regard du nombre de données disponibles. Cependant, il est clair que des lacunes subsistent. L’hivernage par exemple est largement réparti sur l’ensemble de la région avec localement des rassemblements importants. Dans certains secteurs de la région nous ne savons pas où les populations reproductrices passent l’hiver et inversement alors que le petit rhinolophe n’effectue pas d’importants déplacements entre l’été et l’hiver. L’identification des connexions et la distance entre les gîtes de reproduction et les gîtes d’hivernage doivent être affinées dans le but de mieux comprendre le fonctionnement de ces populations et de mieux les protéger.

En période de reproduction, on constate aussi une interconnexion entre les sites de mise-bas proches les uns des autres. Le recensement des effectifs de ces réseaux de gîtes est rendu difficile car les maternités peuvent se déplacer d’un gîte à un autre en fonction de conditions thermiques fluctuantes. Si l’ensemble du réseau n’est pas connu et n’est pas suivi de manière simultanée, une partie de la population peut sembler absente. Parallèlement, on observe sur certains secteurs de grosses colonies de plus de 100 reproducteurs avec souvent une certaine stabilité, voire une augmentation des effectifs. La question se pose de savoir si les populations croissent réellement dans ces secteurs ou si l’offre en gîte diminue et pousse les petits rhinolophes à se concentrer dans certains bâtiments.

La veille écologique concernant les problèmes de cohabitation en milieu bâti, notamment ceux dus à la réhabilitation ou l’entretien des habitations, doit être renforcée. De même, l’aménagement harmonieux du territoire, la gestion des milieux, le maintien des corridors biologiques avec l’accès à des habitats riches en nourriture doivent être encouragés.

Concernant la diminution de l’offre en gîtes favorables pour la reproduction, le maintien d’espaces réservés (grenier, cave, dépendance…) sera déterminant pour la pérennité des populations. En outre, de nombreux bâtiments abandonnés pourraient faire l’objet de réaménagements spécifiques voire de restauration (anciens transformateurs électriques, anciens réservoirs d’eau, bâtiments désaffectés, cabanons…). En Rhône-Alpes, de tels aménagements ont déjà été faits ponctuellement mais leur systématisation fournirait un réseau de gîtes important pour l’espèce.

La création de gîtes artificiels pourrait également être envisagée. Des expériences menées en Bretagne notamment ont montré l’efficacité de ces réalisations. Ces constructions présentent plusieurs avantages : elles peuvent être de faible dimension (pas de nécessité d’obtention de permis de construire) et « parrainées » par des collectivités locales ou des particuliers.

Tous ces aménagements, outre leur vocation de conservation pour les chauves-souris, pourraient servir de supports pédagogiques dans le cadre d’une politique de sensibilisation à l’environnement et « d’écocitoyenneté ».