• Murin de Capaccini
    Myotis capaccinii Bonaparte, 1837
Murin de Capaccini en vol © Y. Peyrard

Quelques données chiffrées

Nombre total de données et types de contacts



Nombre total de gîtes et périodes d'occupation


Première mention en Rhône-Alpes

Jean Balazuc observe un individu le 24 août 1958 à la Baume Grenas, commune de Ruoms en Ardèche (Source : Van Heerdt & Sluiter, 1959).

Distribution actuelle

État des connaissances sur la répartition du murin de Capaccini

Le murin de Capaccini est une espèce méditerranéenne dont l’aire de distribution est limitée au pourtour de la mer Méditerranée et l’ouest de la mer Noire ainsi qu’aux vallées des grands fleuves d’Europe centrale (Danube), du Proche-Orient jusqu’en Iran (Tigre et Euphrate). Restreinte aux secteurs à climat méditerranéen marqué, l’espèce est seulement présente en Rhône-Alpes dans la partie sud des départements de l’Ardèche et de la Drôme qui constitue sa limite nord d’aire de répartition en Europe Occidentale. Une mention datant de 1957 fait état d’une capture de murin de Capaccini dans une grotte du nord de l’Isère. Cette observation est aujourd’hui considérée comme douteuse du fait de son éloignement de la zone méditerranéenne et de l’imprécision des outils de détermination de l’époque. Des restes osseux non datés ont été découverts dans deux cavités respectivement en Chartreuse et dans le Vercors et de fait ne sont pas considérés comme contemporains.

Le murin de Capaccini est une espèce de plaine, l’ensemble des localités d’observation tant au gîte qu’en activité sont situées en dessous de 400 mètres d’altitude. C’est un murin « pêcheur » très inféodé aux milieux aquatiques. La connaissance régionale que nous avons de cette espèce souligne tout particulièrement ce trait de sa biologie puisque toutes les observations ont été réalisées à proximité immédiate de cours d’eau. Ce murin est présent sur le bassin de la rivière Ardèche, principalement sur sa partie inférieure, à l’aval d’Aubenas. La majeure partie des gîtes connus et des observations en activité concerne la rivière Ardèche à proprement parler et très peu d’informations proviennent des cours d’eau affluents (Beaume, Chassezac, Ligne). Il a aussi été contacté en activité le long du Rhône et sur le cours de l’Eygues en Drôme. Sa distribution régionale est donc extrêmement localisée.

En Rhône-Alpes, le murin de Capaccini apprécie les faciès lents des cours d’eau méditerranéens (zones à barbeaux et à brèmes) productifs en insectes en tout genre. Les rivières oligotrophes et fraîches des Cévennes ardéchoises semblent complètement évitées contrairement au précepte décrit par Médard & Guibert (1992) sur la base d’observations faites en Languedoc-Roussillon.

Murin de Capaccini

Evolution des connaissances et des effectifs en Rhône-Alpes

Seulement cinq mentions concernent la période antérieure à l’an 2000. Les connaissances relatives à cette espèce sont pour ainsi dire très récentes. La rareté des informations anciennes relatives au murin de Capaccini s’explique à la fois par sa distribution restreinte à certains cours d’eau du sud de la région mais aussi par le fait que cette espèce, essentiellement cavernicole, fréquente des gîtes parfois difficiles d’accès et dont la prospection s’avère complexe soit du fait de leur taille soit parce qu’ils sont partiellement inondés. La propension du murin de Capaccini à former des groupes mixtes avec d’autres espèces très grégaires (murins de grande taille, minioptères…) est aussi un facteur qui a limité l’estimation de ses effectifs, voire à déceler sa présence.

L’acquisition de données a réellement débuté de manière significative en 2005 grâce à des recherches spécifiques, et surtout par la mise en place de méthodes tenant compte de sa phénologie de reproduction particulièrement précoce. Un effort de prospection largement amélioré sur la zone de distribution de l’espèce a permis de faire progresser la connaissance. Les techniques acoustiques contribuent de manière très marginales au lot de données collecté car la signature acoustique de l’espèce reste difficile à distinguer de celle du murin de Daubenton.

On peut considérer que l’on dispose aujourd’hui d’un bon niveau de connaissance de l’espèce, alors qu’elle était notablement lacunaire avant l’an 2000 (CORA, 2002). L’effectif de la population régionale du murin de Capaccini est compris entre 1200 et 1500 individus. Ses effectifs sont estimés grâce aux suivis réalisés sur les gîtes d’estivage pour lesquels on distingue deux bastions : la moyenne vallée et les gorges de l’Ardèche. Les effectifs hivernaux sont quant à eux nettement moins bien connus. Chaque hiver, au mieux, seulement une quarantaine de murins de Capaccini est dénombrée. Au regard de sa distribution très restreinte, c’est une espèce peu abondante.

La définition de la tendance d’évolution de ses populations est un exercice rendu très délicat par le manque de recul et les apports récents de connaissance. Toutefois, il nous semble que l’augmentation du nombre d’observations sur des gîtes suivis en hiver depuis plus de 20 ans peut correspondre à un accroissement de la population de cette espèce. Cette appréciation méritera d’être confirmée sur le terrain et vérifiée de manière statistique à l’avenir.

Acquisition des données en Rhône-Alpes

Une différence notable distingue les informations collectées en Ardèche et en Drôme. Sur ce dernier département l’espèce a uniquement été contactée par la méthode acoustique (n=7) alors qu’en Ardèche 61 % des observations (n=75) proviennent d’individus notés au gîte. Seulement 21 % des contacts sont issus de captures au filet, pour la plupart réalisés en sortie de cavité. Ce faible pourcentage découle notamment du fait de la difficulté à tendre des filets sur de gros cours d’eau comme l’Ardèche ou le Chassezac.

L’effort de prospection se ressent globalement à l’échelle de la région à toutes les périodes du cycle annuel. Depuis 2001 un gain de 11 mailles est noté se traduisant par une présence sur 2,7 % de la surface régionale. L’espèce est aujourd’hui répertoriée sur le département de la Drôme alors qu’elle ne l’était pas jusqu’alors. Le nombre de gîtes connus est directement lié à l’amélioration de la pression d’observation. En effet, 19 des 20 gîtes connus ont été découverts après l’an 2000.

Aucun gîte n’est à l’heure actuelle connu en Drôme alors qu’un grand nombre est prospecté chaque année. Cet état de fait s’explique très certainement par l’absence de population résidente sur ce département. Les observations réalisées concernent probablement des débordements d’individus ardéchois en activité de chasse.

Phénologie d’observation en Rhône-Alpes

Groupe de murins de Capaccini dans une fissure

Le murin de Capaccini est observé tout au long de son cycle annuel. Les observations estivales correspondent à 48 % du total (n=63) alors que celles provenant de la période hivernale en représentent 23 % (n=30). Ces valeurs traduisent un effort de prospection accru au cours de ces périodes. Les périodes de transit rassemblent seulement 28 % des données totales (n=20 à l’automne et n=17 au printemps).

Les dates moyennes de mise-bas se situent entre le 20 mai et le 10 juin. Les premiers jeunes prennent leur envol aux environs du 20 juin. Une fois la reproduction terminée, les adultes abandonnent rapidement les gîtes de reproduction pour les gîtes de transit.

En Rhône-Alpes, les groupes les plus importants ont été observés en période de transit printanier. Environ un millier d’individus occupe une grotte des gorges de l’Ardèche en avril et mai. Ce groupe se disperse peu de temps avant la mise-bas. Deux autres cavités de la Réserve naturelle abritent des colonies de plusieurs centaines d’individus (entre 150 et 800) à partir du mois d’août. Des groupes en transit automnal ont aussi été notés dans une grotte de la vallée du Chassezac (300 individus) et la moyenne vallée de l’Ardèche (40 individus). Ces rassemblements automnaux quittent les gîtes de transit dans la seconde moitié du mois d’octobre.

Notons qu’à l’heure actuelle le comportement d’essaimage n’est pas connu pour le murin de Capaccini.

Gîtes utilisés par l’espèce en Rhône-Alpes

Le caractère essentiellement cavernicole de ce murin décrit dans la littérature (Arthur & Lemaire, 2009) est aussi observé en région Rhône-Alpes. Parmi les 20 gîtes actuellement connus, 19 sont des cavités souterraines naturelles et un seul est une fissure en falaise.

En hiver, les gîtes utilisés sont des cavités fraîches. En l’état actuel de nos connaissances, une seule grotte de la commune de Vallon-Pont-d’Arc rassemble de manière régulière un groupe hivernant d’une trentaine d’individus. Dans ce gîte, les animaux sont directement accrochés à la voûte de la cavité et ont généralement le pelage couvert, voire trempé, de condensation. Les autres gîtes hivernaux connus hébergent pour la plupart des individus isolés, souvent encastrés dans des fissures à proximité des entrées. Il semblerait que les animaux restent jusqu’au début du mois d’avril sur les sites d’hivernage.

Les grottes utilisées en période estivale présentent toutes la caractéristique d’être à proximité d’un cours d’eau. Plusieurs d’entre elles sont même des résurgences actives dont une partie du réseau est inondé. Ce sont généralement de vastes cavités où les animaux se tiennent sous la voûte de hauts plafonds. Les gîtes estivaux fréquentés par le murin de Capaccini sont, sans exception, utilisés par des groupes parfois nombreux d’autres espèces (grand et petit murins, minioptère, rhinolophe euryale…).

Seulement trois grottes de parturition sont actuellement connues. Le groupe le plus important est installé dans une grotte de la moyenne vallée de l’Ardèche et accueille selon les années entre 200 et 400 femelles. Découvert récemment, un autre groupe de parturition fréquente la Réserve naturelle des gorges de l’Ardèche. Deux grottes constituent un réseau de gîtes que ce groupe d’une cinquantaine de femelles occupe alternativement. Au regard de l’importance de l’effectif connu en période de transit dans les gorges de l’Ardèche, l’existence d’autres gîtes de parturition est probable (voir encart).

« Dernière minute »

Les observations répétées de murin de Capaccini dans le secteur des gorges du Chassezac nous ont conduits à procéder à quelques contrôles durant l’été 2013. Une capture en sortie de cavité, réalisée début août 2013, a permis de constater la présence d’au moins une quinzaine d’adultes et de jeunes volants émergeant de ce site qui abrite aussi une colonie de mise-bas de murins de grande taille. Cette observation, un peu tardive, permet néanmoins d’envisager l’existence très probable d’une colonie de parturition sur ce secteur.

Habitats exploités en phase d’activité en Rhône-Alpes

Le murin de Capaccini est une espèce très largement inféodée aux milieux aquatiques méditerranéens. En Rhône-Alpes, il se rencontre exclusivement sur les cours d’eau méditerranéens permanents de basse altitude (bassins versants de l’Ardèche, de l’Eygues ou du cours aval du Rhône).

Le murin de Capaccini recherche sa nourriture le long des cours d’eau lentiques présentant des faciès de plats ou de mouilles où il capture des insectes en rasant la surface de l’eau. Aucune étude du régime alimentaire n’a été menée en Rhône-Alpes. L’analyse des proies consommées au cours d’une saison par un groupe de femelles du département du Gard (Lugon, 2006) a montré que 82 % du régime alimentaire reposait sur des insectes liés à l’eau, les Chironomidae étant représentés dans 78 % et les trichoptères dans 62 % des crottes analysées. La présence d’autres taxons en moindre proportion dans les fèces, comme les lépidoptères, les arachnides ou les névroptères, suggère que les murins de Capaccini chassent aussi dans les ripisylves.

En juin 2011, une opération de télémétrie a été menée sur le territoire de la Réserve naturelle des gorges de l’Ardèche. Son objectif principal était d’identifier les cavités utilisées par les femelles pour la parturition. Cette étude a aussi permis d’observer le comportement des animaux en activité (Cornut, 2011). Les trois individus suivis ont principalement exploité le canyon sur un linéaire de 20 kilomètres de rivière. Très nettement, les animaux exploitaient le fond de la gorge, sans pouvoir distinguer s’ils chassaient sur le cours d’eau ou dans les ripisylves adjacentes. Les femelles lactantes suivies ont chassé tout au long de la nuit du crépuscule à l’aube. Par ailleurs, comme cela avait été noté sur le Gardon (Peyrard & Némoz, 2007), les individus suivis sur l’Ardèche ont marqué des pauses nocturnes en retournant au gîte probablement pour allaiter leur jeune. Nous avons aussi pu constater que durant la période de suivi les femelles ont déplacé leurs jeunes en changeant de cavité.

Menaces pesant sur l’espèce en Rhône-Alpes

Le murin de Capaccini est l’une des espèces les plus rares et menacées de la région Rhône-Alpes, ce qui justifie pleinement son statut d’espèce «En Danger» sur la liste rouge régionale. Cet état de fait repose sur plusieurs facteurs combinés :

  • la faiblesse des effectifs globaux,
  • l’exiguïté de son aire de répartition régionale,
  • le statut marginal de la « population » régionale au regard de son aire de distribution en France et en Europe,
  • le caractère strictement cavernicole de l’espèce,
  • la nature grégaire de l’espèce et le nombre très restreint de gîtes occupés notamment en période de reproduction.

Du point de vue des gîtes utilisés, cette vulnérabilité est évidente, de surcroit dans une région très touristique et convoitée pour ses réseaux karstiques par des publics très divers (spéléologie, promenades souterraines…). En raison du très faible nombre de gîtes utilisés, des dérangements répétés ou des actes malveillants peuvent impacter une part importante des effectifs régionaux. Par ailleurs, il s’agit probablement d’une espèce très exigeante quant aux choix de ses gîtes. En effet, seulement 20 gîtes sont connus alors que la densité de cavités sur les massifs calcaires du sud de l’Ardèche est l’une des plus importantes de France (environ 3000) et que 334 cavités ont été prospectées dans le secteur au cours des 12 dernières années.

Ces menaces potentielles sont à modérer du fait de la configuration de certains gîtes fondamentaux. En effet, deux des trois grottes de parturition de l’espèce sont naturellement protégées par la présence d’eau qui inonde le réseau et qui en limite l’accès. Toutefois, le principal gîte de reproduction semble nécessiter urgemment une protection physique du fait des soirées festives organisées aux abords du porche d’entrée de la cavité.

Les liens étroits qu’entretient le murin de Capaccini avec d’autres espèces, notamment sur les gîtes de reproduction, constituent probablement une autre source de précarité pour l’espèce. Nous ne disposons pas d’éléments solides pour caractériser cette dépendance du murin de Capaccini aux autres espèces et notamment le lien avec la taille des groupes. On peut envisager que la régression des espèces associées impacte son attachement aux gîtes ou sa reproduction.

Les ressources trophiques exploitées par le murin de Capaccini sont en lien direct avec le milieu aquatique. En Rhône-Alpes, cette observation lie très étroitement la santé de l’espèce à la qualité des eaux du bassin de l’Ardèche. Diverses pollutions peuvent significativement se répercuter sur la production en insectes aquatiques et avoir des conséquences notables sur le murin de Capaccini. D’autre part, le niveau des eaux de surface est déterminant sur la préservation de l’espèce. Les assecs estivaux liés à des phénomènes climatiques exceptionnels ou des prélèvements abusifs peuvent très fortement impacter l’espèce.

Protection de l’espèce en Rhône-Alpes

L'accès à certains gîtes est aérien !

Trois grottes fréquentées par l’espèce bénéficient d’une protection physique et deux autres ont fait l’objet d’aménagements visant à renforcer la difficulté d’accès au réseau souterrain. Néanmoins, cela ne concerne que des gîtes de transit. Deux des trois cavités de parturition actuellement connues sont en accès libre à proximité de rivières largement fréquentées, l’accès humain dans la troisième est interdit par un arrêté municipal.

Il est intéressant de noter qu’une part importante des habitats et gîtes primordiaux du groupe installé sur le secteur des gorges de l’Ardèche est intégrée au périmètre de la Réserve naturelle (1575 hectares). En complément, deux arrêtés de protection de biotope (Basse vallée de l’Ibie, Rivière Ardèche) accompagnent la protection d’un important linéaire de rivière et de grottes essentielles à l’espèce (1568 hectares au total).

Le réseau Natura 2000 recouvre une très grande partie du linéaire des cours d’eau exploités par l’espèce. Les outils et mesures associés à cette directive européenne ne semblent pas répondre aux besoins premiers du murin de Capaccini. Outre les contrats Natura 2000 visant à protéger des gîtes, seules les mesures relatives à la gestion ou à la restauration des ripisylves apparaissent pertinentes et favorables à l’espèce.

La mise en œuvre de contrats de rivière sur les principales rivières fréquentées par l’espèce (Ardèche, Chassezac, Beaume) constitue de toute évidence un point très positif pour le maintien d’habitats favorables et productifs en insectes.

Murin de Capaccini en vol © Y.Peyrard

Lacunes identifiées et actions à engager

Du point de vue de la connaissance de l’espèce, des recherches sont à poursuivre d’une part pour préciser sa situation en Drôme, notamment à travers de la capture pour confirmer sa présence, et d’autre part pour améliorer les connaissances, qui restent à l’heure actuelle très lacunaires, en ce qui concerne les groupes hivernants. Une ou plusieurs cavités de parturition restent aussi probablement à identifier dans le secteur des gorges de l’Ardèche. Les premiers résultats issus des suivis par radiopistage et des contrôles mensuels des gîtes, ont permis de constater un fonctionnement de l’espèce en réseau de gîtes, utilisés simultanément ou en parallèle. Les effectifs globaux connus sur ce territoire amènent à penser que de toute évidence nous ne connaissons pas l’intégralité de ces gîtes.

En termes de protection, une action urgente est à engager pour limiter la fréquentation humaine au niveau du principal gîte de reproduction connu qui fait l’objet de menaces avérées.

Le travail de sensibilisation engagé ces dernières années avec les spéléologues ardéchois nécessite d’être poursuivi et renforcé. Le partenariat établi dans le cadre du plan régional d’actions et dans le cadre de la Réserve naturelle des gorges de l’Ardèche a notamment permis d’éviter un aménagement qui aurait pu être fatal sur une grotte majeure pour l’espèce.

Un effort d’information et de sensibilisation des organismes gestionnaires des cours d’eau (techniciens de rivière, ONEMA…) nécessite d’être mené pour assurer une ressource alimentaire pérenne et abondante.