• Pipistrelle de Nathusius
    Pipistrellus nathusii Keyserling & Blasius, 1839
Pipistrelle de Nathusius à l’envol de son gîte © Y. Peyrard

Quelques données chiffrées

Nombre total de données et types de contacts



Nombre total de gîtes et périodes d'occupation


Première mention en Rhône-Alpes

Un cadavre est récolté en 1917 à la Grotte de Seillon, commune de Collonges-sous-Salève en Haute-Savoie (Source : observateur anonyme – collection Muséum d’histoire naturelle de Genève). Le premier individu vivant est observé par Robert Hainard dans une grotte de la commune de Thoiry (Ain) le 20 avril 1958.

Distribution actuelle

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L’aire de répartition de la pipistrelle de Nathusius couvre une grande partie de l’Europe. Elle est présente des îles britanniques jusqu’à l’Oural et du nord de la péninsule ibérique, de l’Italie et de la Grèce jusqu’au sud de la Scandinavie. Pour cette espèce migratrice, les régions de parturition sont bien distinctes des régions d’hibernation (Arthur & Lemaire, 2009). L’espèce se reproduit principalement dans l’est et le nord de l’Europe : Russie, pays baltes, Pologne, Scandinavie… Les cas de reproduction en Europe de l’ouest sont plus rares, notamment en France (Bretagne, Champagne-Ardenne,…). L’hibernation se déroule essentiellement en Europe de l’ouest : nord de la péninsule ibérique, France, Allemagne, Benelux, Suisse, Autriche et nord de l’Italie. Le record de migration connu est de 1905 kilomètres entre la Lettonie et la Croatie.

Trois voies de migration traversent la France (Kurvits et al., 2011) :

  • l’axe littoral qui longe le littoral de la Manche, traverse la Bretagne, puis suit le littoral atlantique ;
  • l’axe des grands cours d’eau qui suit les rivières et fleuves du nord-est de la France (Rhin, Meuse, Moselle), puis la vallée de la Saône et enfin la vallée du Rhône ;
  • l’axe alpin qui passe par les grands cols des Alpes.

La région Rhône-Alpes est concernée par ces deux dernières voies de migration, ce qui est attesté par quelques contrôles d’individus bagués (voir encart).

L’espèce est connue dans tous les départements rhônalpins. Les observations sont toutefois plus nombreuses dans les grandes vallées (Rhône, Drôme, Isère…) et les Alpes.

On note que presque 81 % des citations de l’espèce sont réalisées à des altitudes inférieures à 750 mètres. Quelques observations ont toutefois été faites à des altitudes supérieures à 2000 mètres avec un record d’altitude à 2460 mètres sur un col de Haute-Savoie. 85 % des gîtes connus sont situés à moins de 500 mètres d’altitude. Un gîte est cité à une altitude de 1250 mètres en Haute-Maurienne.

Pipistrelle de Nathusius

Evolution des connaissances et des effectifs en Rhône-Alpes

La pipistrelle de Nathusius est l’une des espèces les plus mal connues dans la région. Avant 2008, les données de l’espèce étaient rares (entre une et 13 données par an). Les méthodes d’étude sont longtemps restées peu adaptées à cette espèce pour laquelle le vol plutôt haut (entre trois et 20 mètres du sol) explique le faible nombre de captures aux filets et dont le caractère arboricole ne facilite pas son observation au gîte. Il faut attendre la multiplication des études acoustiques au début des années 2000 pour voir augmenter sensiblement le nombre de mentions.

Une estimation des effectifs régionaux est impossible à l’heure actuelle, les lacunes de connaissance sont trop importantes. Bien que suspectée avec notamment la capture d’une femelle allaitante en Savoie, la reproduction de l’espèce en Rhône-Alpes n’est pas prouvée.

Plusieurs indices laissent penser que la pipistrelle de Nathusius connaîtrait une expansion vers l’Europe de l’ouest, notamment le long des grands couloirs migratoires de l’est et de l’ouest de la France : colonisation de la Grande-Bretagne et du nord de l’Italie dans la dernière décennie ; installation d’une population sur le lac du Der (Champagne-Ardenne) créé dans les années 1970. La présence de données estivales en Rhône-Alpes pourrait donc s’inscrire dans cette dynamique. Le faible nombre de données historiques ne permet cependant pas de définir précisément une tendance d’évolution régionale pour la pipistrelle de Nathusius.

Les connaissances sur la pipistrelle de Nathusius sont inégalement réparties sur la région. Les départements de la Haute-Savoie, de la Drôme, de l’Isère et du Rhône cumulent près de 68 % des données avec 20,5 % pour la Haute-Savoie seule. Les départements de la Savoie, de la Loire, de l’Ain et de l’Ardèche ne représentent que 32 % des données.

Les prospections réalisées au cours de la dernière décennie ont permis de faire progresser de façon importante la connaissance de la distribution effective de la pipistrelle de Nathusius. En effet, depuis 2001, le nombre de mailles où l’on note la présence de l’espèce a été multipliée par quatre pour atteindre 213 mailles sur 519, soit 41 % de la couverture relative de la région. Cette augmentation significative de la connaissance concerne tous les départements.

Acquisition des données en Rhône-Alpes

Les techniques d’inventaire utilisées ont une influence importante sur la collecte de données. La détection acoustique totalise à elle seule presque 80 % des mentions alors que cette méthode ne s’est généralisée que récemment. On observe des différences importantes du nombre de données acoustiques par département avec aux premiers rangs les départements de la Haute-Savoie et de la Drôme qui cumulent respectivement 21 % et 19 % de ce type d’information. Les observations directes (4 %) et les captures au filet (11 %) sont en nombre moins important mais mieux réparti dans le temps avec quelques données dès la fin des années 1950 et un nombre assez régulier d’observations de la fin des années 1980 à aujourd’hui.

Phénologie d’observation en Rhône-Alpes

Pipistrelle de Nathusius

Le nombre de données de pipistrelle de Nathusius en Rhône-Alpes est actuellement de 705 dont 33 données en gîtes.

Si l’on considère les quatre grandes périodes du cycle biologique des Chiroptères, les observations se concentrent sur la période estivale (48 % de l’ensemble des observations) et la période de transit automnal (36 %). Les périodes hivernale et de transit printanier ne représentent respectivement que 5 % et 10 % des observations.

Les observations de pipistrelle de Nathusius en période estivale confirment bien la présence de l’espèce pendant la période de parturition, présence dispersée dans toute la région et notamment dans les grandes vallées de plaine, les Alpes, la Dombes, l’Isle Crémieu, la Loire et l’Ardèche. La majorité des mentions estivales provenant d’écoutes au détecteur d’ultrasons, celles-ci n’apportent cependant aucune information sur le sexe et le statut reproducteur des individus contactés. Les contacts estivaux pourraient s’expliquer par une présence estivale de mâles stationnant sur les sites d’accouplement ou d’hibernation. En effet, les mâles ne participant pas à la parturition et à l’élevage des jeunes, ils ne sont pas contraints d’entreprendre des migrations couteuses en énergie et risquées (Dietz et al., 2009). Ils peuvent alors passer l’été dans les régions d’hibernation ou sur les voies de migration, attendant ainsi les femelles sur ces secteurs pour s’accoupler. Les contacts estivaux pourraient aussi être le signe de la présence de populations reproductrices dans la région. La capture d’une femelle allaitante le 9 juillet 2010 au nord du massif de Belledonne en Savoie laisse présager une reproduction locale. De plus, on constate que 38 % des captures estivales concernent des femelles. La reproduction de l’espèce en Rhône-Alpes est donc plausible mais, à l’heure actuelle, aucune découverte de colonie de parturition n’a pu confirmer cette hypothèse. En 1983, Noblet rapporte l’observation d’un groupe d’une trentaine d’individus en été dans un platane sans pouvoir attester la reproduction de manière certaine (donnée non cartographiée).

En janvier 1976, un regroupement d’une vingtaine d’individus est observé en période hivernale à Biviers (Isère), dans une cavité arboricole (Noblet, 1983 – donnée non cartographiée).

Le col de Bretolet, un site de suivi de la migration depuis 1953

Femelle de pipistrelle de Nathusius

Le col de Bretolet, situé à la frontière franco-suisse à 1923 mètres d’altitude à proximité des communes de Morzine et Samoëns (Haute-Savoie), est un site de migration automnale important suivi depuis 1953 par les naturalistes suisses. Ce suivi a permis de capturer et baguer de nombreux oiseaux et de nombreuses chauves-souris, apportant ainsi beaucoup d’informations sur les déplacements et l’écologie des espèces migratrices. Depuis 1958, 144 pipistrelles de Nathusius ont été capturées soit 7 % des chauves-souris capturées sur le site.

Pour cette espèce, la migration automnale sur le col débute en août et atteint son maximum au cours du mois de septembre. Le sex-ratio est en faveur des femelles (64 %). On note aussi que la quasi-totalité des individus capturés étaient des adultes avec des dates de passage pour les mâles et les femelles identiques (date médiane : mi-septembre). Ce n’est pas le cas sur le col de Jaman (Vaud – CH) situé à 37 kilomètres au nord-est (Oppliger, 2004) sur lequel les femelles précèdent les mâles (date médiane 2 octobre pour les femelles et 14 octobre pour les mâles). Ces différences de phénologie entre les deux sites pourraient s’expliquer par une différence de conditions météorologiques, moins favorables sur le col de Bretolet, contraignant les chauves-souris à franchir le col plus tôt.

Gîtes utilisés par l’espèce en Rhône-Alpes

Les gîtes de pipistrelle de Nathusius connus sont peu nombreux (n=48) et, pour 77 % d’entre eux, la présence d’un unique individu est notée. L’essentiel des autres observations concerne des petits groupes (jusqu’à sept individus au maximum). Trois observations font mention d’un groupe plus important : une cinquantaine d’individus occupant un mirador au bord d’un étang de la Dombes (Ain) en période de transit automnal et le groupe observé en Isère en 1976 en hiver et en été (Noblet, 1983).

Les gîtes utilisés sont situés en milieu bâti pour 73 % des cas (volet, toiture, bardage, anfractuosité de mur,…) et en milieu souterrain pour 18 %. Les autres gîtes découverts sont situés sous des ponts, en nichoirs artificiels ou encore dans des tas de bois. Seulement trois observations en cavité arboricole sont rapportées alors que l’affinité de l’espèce pour ce type de gîte est nettement soulignée dans la bibliographie. Cela s’explique essentiellement par la difficulté à localiser ce type de gîte sans recherche par télémétrie, méthode jusqu’à présent non mise en œuvre pour cette espèce en Rhône-Alpes.

Les observations au gîte ont quasi-exclusivement été faites en période d’hibernation et de migration. Seules deux données se rapportent à la période estivale : un individu isolé observé à l’extérieur d’une église savoyarde (à l’arrière d’une pierre tombale adossée au mur) en juillet 1994 et des individus en colonie avec des pipistrelles communes derrière un bardage dans un village de Haute-Savoie en juillet 2012. Pour cette dernière observation, l’identification a été faite au détecteur d’ultrasons et la découverte d’un cadavre montre la reproduction de la pipistrelle commune mais aucune preuve de reproduction de la pipistrelle de Nathusius n’a pour le moment pu être apportée sur ce site.

Habitats exploités en phase d’activité en Rhône-Alpes

La connaissance des habitats exploités repose essentiellement sur un nombre limité de données de captures au filet et d’inventaires acoustiques, donnant une représentation très partielle de l’écologie de l’espèce en Rhône-Alpes.

Les connaissances actuelles montrent une affinité de l’espèce pour deux éléments : l’eau et la forêt.

La pipistrelle de Nathusius n’est pas toujours contactée au-dessus de l’eau mais la plupart des observations sont faites dans des secteurs géographiques riches en zones humides. Les observations les plus nombreuses sont faites à proximité des grands cours d’eau tels que le Rhône ou la Drôme. Ces derniers constituent des zones de chasse mais aussi d’importants axes de déplacement lors des migrations. On peut alors y observer des concentrations importantes de pipistrelles de Nathusius. C’est notamment le cas dans la région lyonnaise. Les régions d’étangs (Dombes, Isle Crémieu, Forez) sont également bien fréquentées par l’espèce. Ces secteurs possèdent à la fois des surfaces d’eau calme et des boisements offrant des zones de chasse et des possibilités de gîter. La pipistrelle de Nathusius est aussi régulièrement contactée au bord du lac Léman, surtout en migration automnale.

Dans d’autres secteurs de présence, les milieux aquatiques sont plus diffus et la forêt domine le paysage. Les Alpes sont l’exemple le plus évident. La pipistrelle de Nathusius est alors contactée sur les rivières et les étangs de fonds de vallées mais aussi sur les reliefs boisés ou sur des milieux d’altitude (lac, col, tourbière,…). Dans la Loire et l’Ardèche, l’espèce est contactée à la fois à proximité des rivières et dans des massifs boisés, dont certains ne présentent pas de caractère humide marqué.

Une espèce nettement migratrice

Pour l’ensemble de la région, nous disposons de dix contrôles d’individus bagués à l’étranger (quatre femelles, deux mâles et quatre indéterminés). Pour certains d’entre eux il a été possible de récupérer la localité exacte de pose de la bague, pour d’autres nous connaissons seulement le pays de pose mais pas la localité exacte. Ces reprises faites en Isère, Rhône, Drôme, Savoie et Haute-Savoie montrent des déplacements depuis la Lituanie, la Lettonie, les Pays-Bas ou l’est de l’Allemagne avec des distances atteignant 970 à 1600 kilomètres.

Menaces pesant sur l’espèce en Rhône-Alpes

Les menaces pesant sur la pipistrelle de Nathusius en Rhône-Alpes sont difficiles à évaluer compte tenu du manque de connaissance sur le statut local de l’espèce.

Les importantes modifications des paysages au XXème siècle sont responsables d’une régression et d’une dégradation considérables des habitats favorables : drainage des zones humides, dégradation de la qualité de l’eau, déboisement des forêts riveraines… L’absence de données anciennes ne permet cependant pas de connaitre les conséquences de ces modifications sur les effectifs de l’espèce.

Aujourd’hui, la pipistrelle de Nathusius est probablement soumise aux mêmes menaces que les autres espèces arboricoles et les espèces liées aux zones humides. L’impact réel de ces menaces dans la région reste inconnu.

Le développement de l’énergie éolienne est une nouvelle menace pour cette espèce migratrice. Les suivis de mortalité réalisés sur plusieurs parcs éoliens montrent que la pipistrelle de Nathusius est l’une des espèces les plus touchées (Dubourg-Savage, 2010). Cette espèce représente environ 13 % des individus trouvés morts sous des éoliennes, en France comme en Europe. Son vol haut et la nécessité pour les femelles d’entreprendre de longues migrations expliquent la forte sensibilité de l’espèce. Des pics de mortalité sont constatés lors des migrations.

Protection de l’espèce en Rhône-Alpes

Aucune mesure de protection spécifique n’a été mise en place en Rhône-Alpes mais certaines mesures peuvent indirectement bénéficier à l’espèce.

Comme pour le murin de Daubenton, les aires protégées riveraines (Réserves naturelles alluviales, domaines du Conservatoire du littoral…) contribuent à une certaine protection des arbres gîtes favorables et à une pérennité des milieux de chasse. Les grandes réserves alluviales de Rhône-Alpes (Ile de la Platière, Ramières du Val de Drôme, Delta de la Dranse, future RNN du Haut-Rhône…) répondent à cet objectif.

Les études et mesures mises en œuvre pour une meilleure prise en compte des Chiroptères dans les projets éoliens pourraient contribuer à réduire l’impact de cette énergie sur cette espèce migratrice. Des cartes d’alerte sur les Chiroptères ont ainsi été réalisées dans le cadre du Schéma Régional Eolien en Rhône-Alpes afin d’identifier les secteurs sensibles, à éviter pour l’implantation de nouveaux parcs éoliens. Un suivi de mortalité sur deux parcs éoliens du sud de la région a permis d’apporter des informations sur l’impact réel des éoliennes sur les chauves-souris et d’identifier les facteurs augmentant la mortalité (implantation en lisière, sur un col, dans l’alignement d’une allée forestière,…). Ces suivis permettent d’apporter des connaissances indispensables pour réduire l’impact des parcs éoliens en choisissant judicieusement les sites d’implantation et en adoptant une gestion du parc compatible avec la conservation des Chiroptères (arrêt des machines lors des périodes à fort risque de mortalité et par faible vitesse de vent notamment).

Pipistrelle de Nathusius © C.Maliverney

Lacunes identifiées et actions à engager

Les lacunes dans la connaissance de la pipistrelle de Nathusius sont nombreuses. Les prospections acoustiques doivent se poursuivre, en particulier dans les secteurs les moins prospectés, pour préciser la répartition de l’espèce en Rhône-Alpes. Des études seraient également nécessaires pour connaitre son statut régional et définir son statut reproducteur. Pour cela, les études télémétriques, les plus efficaces en la matière, seraient à mettre en œuvre. Elles permettraient également d’apporter beaucoup d’informations sur son écologie, notamment en zone de montagne.