• Oreillard roux
    Plecotus auritus Linnaeus, 1758
Oreillard roux en vol © Y. Peyrard

Quelques données chiffrées

Nombre total de données et types de contacts



Nombre total de gîtes et périodes d'occupation


Première mention en Rhône-Alpes

Une femelle est capturée et baguée par André Soleihac le 10 juillet 1952 à Hauteville-Lompnes (Ain).

Distribution actuelle

État des connaissances sur la répartition de l'oreillard roux

L’oreillard roux est une espèce eurasiatique largement répandue. Son aire de répartition s’étend de l’Europe de l’Ouest jusqu’à l’ouest de l’Asie (Caucase, sud de l’Oural). Cette espèce apprécie un climat globalement tempéré avec cependant des variations saisonnières importantes. En Rhône-Alpes, sa répartition est étendue à tous les départements, néanmoins, elle se fait plus rare dans la zone d’influence méditerranéenne (sud de l’Ardèche et de la Drôme). L’absence de donnée dans la Dombes et au nord de l’Isère provient probablement d’un défaut de prospection plutôt que d’une réelle absence. Par ailleurs, sur de nombreux secteurs, l’oreillard roux peut être rencontré en sympatrie avec l’oreillard gris ou l’oreillard montagnard.

Il s’agit d’une espèce à large amplitude altitudinale. On la trouve aussi bien en plaine (70 mètres dans une cavité d’Ardèche) qu’en montagne (jusqu’à 1936 mètres en Haute-Savoie). 70 % des données se situent entre 100 et 1000 mètres. C’est aussi à ces altitudes que l’on connait le plus de gîtes. À l’heure actuelle, le plus haut gîte de parturition connu se situe à plus de 1900 mètres en Vanoise, dans la chaufferie d’une résidence de la commune de Val-d’Isère. Les difficultés de prospection en altitude expliquent, en partie, le faible nombre de gîtes connus. Il s’agit, en l’état de nos connaissances, de l’espèce pour laquelle on connaît le plus de colonies de parturition en altitude. Elle est également très présente dans les secteurs de moyenne altitude.

L’oreillard roux est une espèce qui semble assez commune dans les plaines sous influence continentale, les collines ainsi que les massifs montagneux, pour peu que l’on rencontre des boisements frais. De la même manière, les secteurs bocagers semblent assez bien lui convenir (Avant-pays savoyard, Bresse…).

Oreillards roux

Evolution des connaissances et des effectifs en Rhône-Alpes

Depuis les années 1980, l’oreillard roux fait l’objet d’un nombre croissant de mentions en Rhône-Alpes. À partir de 1995, il est contacté sur plus d’une vingtaine de sites par an (avec un record de 121 en 2010). Cet état de fait s’explique notamment par l’augmentation significative du nombre d’observateurs et l’évolution des techniques d’inventaire, particulièrement de la généralisation de la pratique de la capture au filet et à moindre échelle, de la détection acoustique.

À l’image de l’ensemble des espèces communes ou à large distribution, l’estimation des effectifs d’oreillard roux reste délicate voire impossible. Les connaissances partielles de son écologie ou la difficulté à l’observer dans certains gites (bâtiments, cavités arboricoles…), limitent toute interprétation ou évaluation relatives aux effectifs régionaux.

L’oreillard roux est une espèce qui semble relativement commune, à l’exception de la zone méditerranéenne où il peut être considéré comme rare, avec des disparités selon les départements.

Acquisition des données en Rhône-Alpes

Les connaissances sur l’oreillard roux sont assez inégalement réparties sur la région. Seulement 3,5 % des données concernent le département de la Loire, globalement sous-prospecté, et 2,5 % des données celui de l’Ardèche pour lequel la zone de présence de l’espèce a fait l’objet d’un faible effort de prospection. Les départements de l’Isère et du Rhône font aussi exception avec respectivement 22 % des données chacun. Toutefois les informations sur ces deux départements sont de natures bien différentes : pour l’Isère, 54 % des données proviennent de la période estivale grâce à la capture au filet, tandis que 77 % des données du Rhône proviennent des périodes automnales et hivernales (captures au filet et individus vus en gîte).

Près de la moitié des observations d’oreillard roux provient de la capture d’individus en période estivale ou de transit. Dans ses zones de présence, l’espèce est régulièrement capturée. En effet, les chemins forestiers ou les fonds de vallons boisés constituent des sites adaptés à sa capture par l’effet « couloir de vol » qu’ils représentent. Le reste des données est principalement issu d’individus observés au gîte (40 % des données).

La base de données rassemble 1799 observations d’oreillards indéterminés, dont 48 % concernent des identifications d’individus au gîte et 39 % au détecteur d’ultrasons. Les difficultés de distinction des trois espèces d’oreillards font que très peu de données nous proviennent de la détection acoustique.

À l’échelle de la région, un effort de prospection sur les secteurs les moins connus ont permis de faire progresser la connaissance de la distribution effective de l’espèce. On note un gain de 110 mailles depuis 2001, soit une progression qui permet d’atteindre 47,6 % de couverture relative de la région (247 mailles sur 519).

Phénologie d’observation en Rhône-Alpes

Colonie de parturition dans un gîte artificiel

Seulement 13,5 % des données d’oreillard roux proviennent de la période hivernale, ce qui s’explique par les difficultés de différenciation des oreillards en léthargie. Ainsi, une part importante des oreillards est notée comme oreillard indéterminé (484 données d’oreillard indéterminé contre 163 d’oreillard roux).

Seulement 7,3 % des données concernent le transit printanier contre 34 % pour le transit automnal. Ce résultat est à mettre en lien avec un effort de prospection réduit au printemps. La part d’observation d’oreillards indéterminés pour ces périodes est globalement du même ordre.

La majorité des observations (45,4 %) provient de la période estivale, avec une part prépondérante due aux captures au filet tandis que l’essentiel des observations d’animaux indéterminés à cette période reflète les prospections acoustiques ou les visites de gîtes.

Des juvéniles ont été observés au gîte dès le 18 juin en Haute-Savoie, ce qui est cohérent avec les éléments disponibles dans la bibliographie mentionnant que les premiers juvéniles naissent de la deuxième quinzaine de juin à mi-juillet (Arthur & Lemaire, 2009). Ces informations correspondent bien avec les captures de jeunes volants de l’année au cours du mois de juillet en Rhône-Alpes. Cette grande variabilité de la date des mises-bas est influencée par le facteur altitudinal (et latitudinal), étroitement lié à la température, qui conditionne la disponibilité de la ressource alimentaire et l’activité des individus.

L’oreillard roux est une chauve-souris sédentaire et parcourant de faibles distances entre ses différents gîtes (Arthur & Lemaire, 2009). Parmi les 30 000 bagues posées en Europe, il n’apparait quasiment pas de déplacement au-delà de 30 kilomètres. Aucune étude sur cette espèce en Rhône-Alpes ne confirme cette sédentarité et les 30 individus bagués, principalement au col de Bretolet, n’ont pas fourni d’informations relatives à leurs déplacements.

Gîtes utilisés par l’espèce en Rhône-Alpes

Colonie de parturition d'oreillards roux

Les observations au gîte se répartissent pour 30,6 % en période hivernale, 31,6 % en période estivale, 11,8 % lors du transit printanier et 25,6 % lors du transit automnal. Les périodes de transit printanier et de transit automnal ne fournissent que peu de données traduisant un manque de prospection des gîtes à ces périodes de l’année.

En hiver, les observations se rapportent principalement à des individus isolés, souvent insérés dans des anfractuosités. Les gîtes connus sont essentiellement souterrains mais, il arrive que l’on observe l’espèce dans des ouvrages d’art ou en milieu bâti (caves).

En période de transit printanier et automnal, les gîtes connus sont indifféremment notés en milieu bâti, en milieu souterrain (mines, grottes, tunnels…) et en gîtes artificiels.

L’essentiel des gîtes estivaux connus est installé dans des bâtiments (50 %) et les plus importants rassemblements ont été observés dans des combles d’églises. Plusieurs groupes de parturition sont par ailleurs connus dans des gîtes artificiels, notamment dans le réseau de gîtes des forêts de Franclens, Chêne-en-Semine et Eloise (Haute-Savoie) (voir la monographie sur le murin de Bechstein). Des individus isolés sont aussi ponctuellement observés en milieu souterrain ou dans les ouvrages d’art.

33 colonies de parturition sont connues en Rhône-Alpes. Pour la plupart, ces colonies rassemblent entre 10 et 30 individus (au maximum 50). Cependant, ces effectifs sont probablement sous-estimés du fait de la nature discrète de l’espèce qui la rend difficile à contacter au gîte. L’oreillard roux montre en effet une prédilection pour les espaces étroits situés entre les lattis et la charpente, dans les mortaises ou à l’arrière de la volige.

Le caractère arboricole de l’espèce, noté dans la bibliographie (Arthur & Lemaire, 2009), a également été observé en Rhône-Alpes : trois arbres-gîtes ont été identifiés dans l’Ain, l’Isère et le Rhône. En complément, les observations faites en gîtes artificiels ou les contacts en forêts, à grande distance de toute habitation laissent supposer qu’il existe de nombreux autres arbres-gîtes. L’existence de gîtes de parturition arboricoles est très probable.

Cinq colonies d’oreillards indéterminés sont connues dans les secteurs où les trois espèces d’oreillards cohabitent mais il est impossible de préciser de quelle espèce il s’agit. À titre d’exemple, sur chacune des communes de Termignon-la-Vanoise et de Saint-Alban-des-Villards (Savoie), un bâtiment abrite une colonie mixte d’oreillards roux et montagnards.

Pour l’ensemble des gîtes, très peu d’informations sont disponibles sur la phénologie précise de leur occupation.

Habitats exploités en phase d’activité en Rhône-Alpes

Seuls deux individus ont été suivis à l’aide de la télémétrie. La connaissance locale des habitats de chasse est le résultat des observations faites grâce à la capture au filet ou, dans une moindre mesure, dans le cadre des inventaires acoustiques.

À l’exclusion des données collectées en entrée de cavités, l’essentiel des oreillards roux capturés l’a été en milieux boisés, traduisant ainsi la forte propension de cette espèce à chasser en forêt. Ces observations sont en adéquation avec ce qui est décrit dans la bibliographie. Des contacts acoustiques ont aussi permis de mettre en évidence des comportements de chasse en lisière de boisements ou de haies. L’oreillard roux est essentiellement forestier, mais fréquente aussi régulièrement les parcs et jardins. Cette espèce glaneuse exploite également les ripisylves et les vallées alluviales. Il apprécie les forêts « fraîches » à sous-bois dense.

Les inventaires réalisés en zones montagneuses ont aussi permis de montrer que cette espèce d’oreillard s’aventure en milieu ouvert, notamment sur les pelouses subalpines et les alpages (Vercors, Chartreuse, Baronnies…).

Le lien étroit qu’entretient cette espèce avec le milieu forestier la rend sensible au maintien des corridors écologiques. Le maillage du territoire par un réseau dense de haies, de linéaires arborés ou de ripisylves semble constituer un facteur prépondérant pour sa présence.

L’oreillard roux est connu pour les regroupements automnaux qu’il forme en cavité et son comportement de swarming. Des recherches réalisées en Rhône-Alpes ont donné des résultats variables. Il peut fréquenter des sites de plaine (voir la partie sur les carrières de Glay : un site majeur pour l’essaimage des Chiroptères) en compagnie d’un grand nombre d’autres espèces, mais aussi des sites dont l’utilisation semble plus monospécifique, notamment en altitude (Chartreuse, Vercors).

Menaces pesant sur l’espèce en Rhône-Alpes

Globalement, la gestion forestière peut avoir un impact fort sur cette espèce. La conversion des peuplements forestiers en monocultures intensives d’essences allochtones (populiculture par exemple) n’est pas compatible avec sa biologie. De même, le raccourcissement des rotations d’exploitation, l’augmentation des surfaces des unités de gestion ou l’homogénéisation de la structure des peuplements sont des facteurs négatifs au bon développement des populations. L’abattage des arbres sénescents ou à cavités limite fortement l’offre en gîte nécessaire à l’oreillard roux. À l’échelle du paysage, l’arrachage des haies ou les infrastructures linéaires fragmentent les habitats et réduit les connexions entre gîtes et terrains de chasse.

Le faible rayon d’action des individus autour de leurs gîtes en fait une espèce d’autant plus sensible aux modifications de ses biotopes de prédilection.

Comme pour la plupart des espèces, la mortalité routière est probablement un facteur impactant les populations, de même que la pollution lumineuse, la réfection et la modernisation des bâtiments…

Protection de l’espèce en Rhône-Alpes

La présence de l’oreillard roux dans certains espaces protégés, notamment les Réserves naturelles ou les Parcs nationaux, est avérée mais ceux-ci ne contribuent pas de manière significative à sa conservation. Aucune colonie de parturition majeure n’est connue au sein de ces périmètres et il n’existe pas, à ce jour, de protection directe mise en place pour les gîtes de cette espèce ou ses terrains de chasse.

Oreillard roux à l'envol de son gîte artificiel © Y.Peyrard

Lacunes identifiées et actions à engager

Il serait intéressant d’étudier cette espèce par radiopistage de manière à augmenter la connaissance de ses gîtes (notamment arboricoles), de ses terrains de chasse et de ses déplacements.

Comme pour l’ensemble des chauves-souris, dépendantes de leurs axes de déplacements, la préservation des continuités écologiques favorables au bon état général de conservation de l’espèce est indispensable.

Les dispositions concernant la prise en compte de la biodiversité dans l’exploitation des massifs forestiers et notamment l’augmentation du nombre d’arbres sénescents (mise en place du réseau des forêts en libre évolution, 2 % d’îlots de sénescence en forêt publique…) constituent des actions favorables aux populations d’oreillard roux de même que les gestions favorisant un sous-étage développé (traitement irrégulier, régénération spontanée…) et un vieillissement des boisements.

Une action menée sur les bâtiments en particulier publics à travers l’action « Refuges pour les chauves-souris » permettrait de protéger un certain nombre des gîtes connus.