• Sérotine bicolore
    Vespertilio murinus Linnaeus, 1758
Sérotine bicolore sur un point d’eau © Y. Peyrard

Quelques données chiffrées

Nombre total de données et types de contacts



Nombre total de gîtes et périodes d'occupation


Première mention en Rhône-Alpes

La première mention de sérotine bicolore date du 2 août 1959 avec un mâle adulte capturé au col de Bretolet (Haute-Savoie). Cet individu, bagué sur ce site, a été retrouvé mort le 21 octobre 1960 sur la commune de Saint-Jean-de-Moirans en Isère à 130 kilomètres au sud-ouest.

Distribution actuelle

État des connaissances sur la répartition de la Sérotine bicolore

Présente entre les 35 et 60ème parallèles, la répartition de la sérotine bicolore atteint l’est de la Chine pour sa partie orientale et la France pour sa partie occidentale. En France, elle occupe régulièrement la frange est du pays. Sa présence est ainsi attestée dans les Vosges, le Jura, les Alpes et dans le Massif central. Néanmoins, des contacts isolés en région Centre, en Auvergne ou en Midi-Pyrénées pourraient être le résultat d’une pression de prospection plus importante mais aussi témoigner d’une récente progression géographique de l’espèce (Arthur & Lemaire, 2009).

En Rhône-Alpes, l’espèce est mentionnée sur six départements, majoritairement en Drôme et en Haute-Savoie avec respectivement 29 et 27 données. L’espèce n’est pas connue dans la Loire et le Rhône.

L’altitude moyenne des données rhônalpines témoigne de son affinité montagnarde avec 54 % des contacts situées à plus de 1000 mètres d’altitude. On note également quatre mentions à plus de 2000 mètres d’altitude. Néanmoins, cette espèce a aussi régulièrement été contactée entre 140 et 500 mètres (17 % des mentions).

Portrait de sérotine bicolore

Evolution des connaissances et des effectifs en Rhône-Alpes

Les données antérieures à 2000 proviennent majoritairement de captures sur des cols alpins (1977, 1981 et 1987). Les captures de sérotines bicolores postérieures à 2000 ont majoritairement été réalisées à la faveur d’études conduites en moyenne montagne (Parcs naturels régionaux du Vercors, des monts d’Ardèche et de Chartreuse, périmètre Natura 2000 du Salève notamment). Plus récemment, la détection acoustique a permis la collecte de nombreuses données.

La proximité des groupes de parturition connus dans l’ouest de la Suisse (canton de Neuchâtel et Genève) ainsi que la capture d’une femelle allaitante en août 1989 dans le cirque de Saint-Même (massif de la Chartreuse) rend possible la reproduction dans la région.

L’estimation des effectifs régionaux est impossible en raison du peu de connaissances disponibles.

Acquisition des données en Rhône-Alpes

Depuis 2001, la sérotine bicolore a été mentionnée sur 28 nouvelles mailles en Rhône-Alpes, elle en occupe actuellement 43, soit environ 8 %. Les données de capture représentent 35 individus (dont deux femelles), capturés isolément dans deux tiers des cas. Ce qui semble indiquer que l’espèce est peu abondante, même sur les secteurs qu’elle fréquente, et/ou qu’elle est particulièrement difficile à capturer.

La plus « belle capture » de l’espèce a été réalisée à la mare du vallon de Combeau sur le Vercors, où huit individus ont été capturés dans une même nuit de juillet 2007.

Le développement de la détection acoustique dans les années 2000 a largement contribué à l’amélioration des connaissances sur l’espèce. Aujourd’hui, plus de la moitié des informations provient d’ailleurs de contacts acoustiques. Une étude menée en 2011 sur la vallée de la Gervanne (Drôme), déployant un important dispositif de détection passive a permis une acquisition notable de données sur l’espèce (huit mentions).

Les autres sources de données concernent la découverte de cadavres récents et de restes osseux. Il faut noter que la sérotine bicolore a été observée au gîte à seulement deux reprises, dans une église et une écurie.

Phénologie d’observation en Rhône-Alpes

Mâle de sérotine bicolore capturé en Ardèche

Une unique observation hivernale de sérotine bicolore est rapportée dans la base de données régionale.

L’essentiel des données concerne la période d’activité de mai à octobre, avec un pic entre juillet et septembre. Cette période est celle où la majorité des prospections est conduite en montagne. En effet, l’activité des Chiroptères y est plus marquée en plein été car la disponibilité en insectes est plus tardive qu’en plaine.

Sur les cols (Balmes, Bérard, Bretolet et la Bataille), les données ont toutes été acquises au mois de septembre car c’est uniquement sur cette période qu’ont été menées des sessions de capture ou d’enregistrement. En Rhône-Alpes, peu d’éléments permettent de présager du caractère migrateur de l’espèce pourtant mentionné dans la bibliographie. On mentionnera notamment le contrôle de bague réalisé en 1960 avec un déplacement de 130 kilomètres vers le sud-ouest.

Soir d’éclipse pour une capture exceptionnelle !

Le 16 juin 2011 aura été une soirée exceptionnelle à plusieurs titres. C’était tout d’abord une superbe soirée estivale chaude et calme qui ne pouvait qu’inspirer les chiroptérologues drômois à faire une sortie de terrain. En effet, ce jour là était la date d’une superbe éclipse lunaire totale parfaitement visible au regard des conditions météorologiques. Le choix des naturalistes s’est porté sur la rivière Grenette, affluent de la Drôme (140 mètres d’altitude). Un important dispositif installé sur le cours d’eau et ses abords a permis de capturer 42 individus de 10 espèces différentes de chauves-souris. Le clou de cette soirée « réussie » était la capture inattendue d’un mâle de sérotine bicolore en fin de soirée !

Gîtes utilisés par l’espèce en Rhône-Alpes

Groupe de sérotines bicolores dans une église de Haute-Savoie

Les gîtes de l’espèce sont quasiment inconnus au regard des informations dont nous disposons. Un unique gîte estival est connu, découvert en 2011. Il héberge un groupe d’au moins neuf individus installé entre la poutre faîtière et les voliges d’une église en Haute-Savoie. En l’absence de preuve de reproduction, il est impossible de savoir s’il s’agit d’une colonie de femelles ou de mâles, ces derniers ayant tendance, chez cette espèce, à former des groupes d’estivants. Schönbächler (comm. pers.) rapporte qu’en Suisse voisine, une vingtaine de colonies de mâles sont recensées pour seulement quatre colonies de parturition.

Un gîte hivernal a été découvert en 1984 en Isère dans un bâtiment (écurie) où un individu était observé en léthargie (Noblet in Veillet, 1999).

Aucune donnée contemporaine rhônalpine ne confirme la présence de l’espèce au gîte en cavité. Cependant deux squelettes préhistoriques ont été retrouvés dans des cavités drômoise et iséroise (l’un datant de 7000 ans avant J-C). Par ailleurs, en mai 2009 vers minuit, deux individus ont été capturés à l’entrée d’une cavité savoyarde, indiquant que l’espèce visite les grottes en activité nocturne.

Habitats exploités en phase d’activité en Rhône-Alpes

La totalité des données de capture et de détection acoustique provient de cols ou de points d’eau. Ce constat traduit plus un biais dans les localités prospectées par les chiroptérologues plutôt que de réelles préférences de la sérotine bicolore.

Les données de détection, hors cols et plans d’eau, sont issues, à égale proportion, de milieux ouverts ou de milieux forestiers. Il semblerait que l’espèce chasse plutôt en plein ciel, survolant parfois les forêts. Le comportement de « haut vol » de cette espèce rend la définition des habitats de prédilection de l’espèce assez délicate.

Avec 15 mentions à moins de 500 mètres d’altitude, la présence de la sérotine bicolore à basse altitude ne peut pas être considérée comme anecdotique. Elle ne semble pas dépendre des saisons puisqu’elle y a été contactée de mai à septembre. Il est toutefois impossible de déterminer si la fréquentation de la plaine est liée au sexe, à l’âge ou à tout autre facteur.

Migrations de la sérotine bicolore

L’espèce est réputée migratrice (Arthur & Lemaire, 2009). De rares observations rhônalpines permettent de corroborer ses déplacements saisonniers. La première donnée de l’espèce a permis de mettre en évidence un déplacement entre le canton suisse du Valais et le département de l’Isère (voir le chapitre première mention en Rhône-Alpes). Un autre individu bagué au col frontalier de Bretolet (France / Suisse) a été contrôlé 220 kilomètres à l’est sept ans plus tard.

Menaces pesant sur l’espèce en Rhône-Alpes

Il est difficile de se prononcer sur les menaces qui pourraient peser sur la sérotine bicolore en raison de la méconnaissance de ses gîtes et habitats de chasse. « À l’abri » dans les montagnes, il semblerait qu’elle bénéficie de la relative préservation de ces milieux (agriculture extensive, forte proportion d’espaces protégés, peu de pollution lumineuse…).

Ses gîtes, au moins partiellement en milieu bâti par analogie aux populations suisses, peuvent en revanche souffrir du tourisme en montagne et des aménagements qui l’accompagnent.

Son comportement migratoire la rend vulnérable au risque éolien, notamment en raison d’un vol en hauteur et d’une utilisation restreinte de l’écholocalisation lors de la migration.

Protection de l’espèce en Rhône-Alpes

Aucune action de protection n’a été engagée spécifiquement en faveur de cette espèce. La seule colonie connue fréquentant une église, il semble important de veiller à conserver des accès et la quiétude dans les combles de ces bâtiments.

Sérotine bicolore en vol © Y.Peyrard

Lacunes identifiées et actions à engager

Disposant d’une connaissance très fragmentaire, l’on pourrait dire que tout est à faire sur la sérotine bicolore !

Les actions à engager portent notamment sur une amélioration des connaissances tout au long du cycle annuel et la recherche de gîtes. Les colonies connues en Suisse sont distribuées autour du lac de Neuchâtel à relativement basse altitude. Des prospections en milieu bâti ciblées sur les secteurs rhônalpins du lac Léman ou autour des lacs du Bourget et d’Annecy pourraient éventuellement permettre de trouver de nouvelles colonies de cette espèce.

Des recherches sont aussi à développer pour préciser son caractère migrateur.