• Molosse de Cestoni
    Tadarida teniotis Rafinesque, 1814
Molosse à la sortie de son gîte (corniche de pont) © Y. Peyrard

Quelques données chiffrées

Nombre total de données et types de contacts



Nombre total de gîtes et périodes d'occupation


Première mention en Rhône-Alpes

La première observation de l’espèce date du 11 août 1958 au col de Bretolet dans le département de la Haute-Savoie (frontière suisse), où un individu a été capturé lors des opérations de suivi de la migration des oiseaux (Source : Collectif – Observatoire ornithologique alpin).

Distribution actuelle

État des connaissances sur la répartition du molosse de Cestoni

Le molosse de Cestoni est une espèce paléarctique à tendance méridionale. Son aire de répartition couvre l’ensemble de la zone méditerranéenne ainsi que quelques secteurs d’Asie aux latitudes moyennes. En région Rhône-Alpes, le molosse de Cestoni est principalement contacté dans les secteurs calcaires du sud de la région, en Drôme, en Isère et en Ardèche (maximum de 268 données de présence en Ardèche). Il est ainsi présent du secteur des gorges de l’Ardèche jusqu’au nord du Vercors. Il est peu fréquent sur la partie cévenole ardéchoise, soumise à un climat plus froid, ainsi que sur la Drôme des collines. Il se fait plus rare sur les autres départements de la région. Bien que relativement présent dans la région du lac du Bourget, à l’ouest de la Savoie, ou le bassin grenoblois, il est pratiquement absent des départements de la Loire, du Rhône, de l’Ain et de la Haute-Savoie.

Les données de présence du molosse de Cestoni en Rhône-Alpes concernent principalement la saison estivale. Cependant, cela serait plutôt à mettre en relation avec la nature des données plutôt qu’à la réelle absence de l’espèce en hiver. En effet, le molosse de Cestoni étant difficilement localisable au gîte, l’essentiel des données est issu de contacts acoustiques, majoritairement récoltés en période d’activité en été.

La plupart des gîtes et des contacts acoustiques sont localisés à moins de 500 mètres d’altitude (61 % des données) et laisse supposer que l’espèce est essentiellement présente en basse altitude. Elle est toutefois contactée, plus rarement, à des altitudes supérieures et semble quasiment absente au-delà de 2000 mètres. Son affinité pour les régions de basse altitude, plus chaudes, expliquerait en partie sa rareté dans les régions montagneuses de Savoie et Haute-Savoie. Le record de détection de l’espèce est de 2120 mètres au col du Sabot sur la commune de Vaujany (Isère) en période estivale.

L’espèce est principalement observée sur les massifs calcaires, notamment les secteurs de falaises, où elle trouve un riche réseau de gîtes, été comme hiver. Elle est ainsi abondante notamment le long de la vallée de l’Ardèche, où a été collecté l’essentiel des observations au gîte. Les nombreuses falaises du massif du Vercors, des Baronnies et du secteur du Lac du Bourget sont également largement fréquentées par l’espèce. Des contacts réguliers sont cependant notés dans les massifs cristallins des Alpes ou du Massif central.

Portrait du molosse de Cestoni

Evolution des connaissances et des effectifs en Rhône-Alpes

L’évolution des connaissances sur l’espèce varie selon le type de données et les départements. Avant les années 2000, la majorité des données correspondait à des captures d’individus ou à des observations au gîte ou en vol. Le développement des détecteurs d’ultrasons au début des années 1990 a entrainé l’apparition puis l’augmentation des données acoustiques, principalement à partir de 1998. Par conséquent, les données de présence du molosse de Cestoni ont fortement augmenté et principalement en période estivale (passant d’une moyenne de 1,5 donnée par an jusqu’en 1997 à 37 à partir de 1998). Le développement des méthodes acoustiques a ainsi permis de fortement accroître la connaissance de la distribution de l’espèce.

Acquisition des données en Rhône-Alpes

Les données de molosse de Cestoni sont très inégalement réparties en Rhône-Alpes. L’essentiel de celles-ci concernent en effet l’Ardèche, la Drôme et l’Isère (80 % des données totales). Plus particulièrement concernant les gîtes, 17 des 23 gîtes connus sont observés en Ardèche. La Loire, le Rhône et l’Ain présentent au contraire des effectifs très faibles avec moins de 40 données connues pour cette espèce sur 840 au total. Ceci est en cohérence avec le caractère méditerranéen de l’espèce et ses exigences en termes de gîtes.

L’espèce a été découverte sur 152 nouvelles mailles à partir de 2001 ce qui fait actuellement un total de 166 mailles où elle est connue sur la région (32 % de la couverture régionale). Cette progression concerne l’ensemble de la région, mais principalement les départements où l’espèce est la plus présente et où la pression de prospection est importante (Drôme, Ardèche, Isère).

Si les données acoustiques ont largement augmenté (71 % du total), celles concernant les observations au gîte (14 %) ont au contraire régressé après les années 2000. Seulement 6 % des données concernent des individus capturés.

Phénologie d’observation en Rhône-Alpes

La plupart des observations ont été réalisées en été (45 %) ou lors du transit automnal (33 %). Les observations en hiver et en transit printanier sont moins nombreuses et ne représentent respectivement que 4 et 17 % des données. Ces mentions permettent néanmoins de confirmer que l’espèce reste active même à des températures basses. Une observation d’un individu actif a été faite en février 1999 dans le sud de l’Ardèche par 4°C. Toutefois, les données relatives au molosse restent très peu nombreuses, d’où une connaissance régionale de son activité au cours du cycle annuel très lacunaire.

Gîtes utilisés par l’espèce en Rhône-Alpes

Molosse dans une fissure

Sur l’ensemble de la région, 840 données sont actuellement disponibles et seulement 114 correspondent à des observations au gîte pour un total de seulement 23 recensés. Bien que l’espèce soit probablement absente de certaines zones de la région, cette faiblesse de connaissance provient principalement de la difficulté de localisation de ses gîtes. En effet, il est raisonnable de penser que de nombreux gîtes en milieu bâti nous échappent (château d’eau, grand immeuble, pont…). Il est par conséquent difficile de conclure aujourd’hui quant à la phénologie d’observation et d’utilisation des différents types de gîtes.

Sur les 23 gîtes identifiés, 12 sont situés en cavités naturelles (grottes, gouffres), six sous des écailles ou au sein de fissures en falaise, trois en milieu bâti, un dans un pont et un autre dans un tunnel. Ce faible nombre de données peut s’expliquer par la difficulté de prospection des fissures en milieu naturel. En cavité, les molosses observés utilisent des fissures ou des écailles rocheuses proches des entrées (porches). Les milieux rupestres sont nombreux en Rhône-Alpes et pourraient accueillir de nombreuses populations encore inconnues. Tous les gîtes recensés l’ont été à faible altitude (en dessous de 500 mètres), le gîte le plus haut se trouvant à 462 mètres en Savoie.

A ce jour, aucune colonie de reproduction n’a été identifiée, et le statut reproducteur de l’espèce sur la région est attesté par une seule donnée (juvénile non volant retrouvé au sol – Ardèche). Les groupes observés à plusieurs reprises au lycée agricole d’Aubenas concernent peut être des femelles reproductrices mais aucune preuve permet de l’attester. Ailleurs en région méditerranéenne française, il a été observé des colonies de parturition de plusieurs centaines de femelles qui mettent bas entre fin juin et début juillet. Le plus gros effectif rhônalpin (11 individus) a été contrôlé en 1998 dans les fissures d’un tunnel rupestre d’Ardèche. Découvert en 1997, ce site est occupé chaque année par quelques individus, en été comme en transit (voir encart). Le molosse est considéré comme une espèce sédentaire en Europe (Hutterer et al. 2005), ses quartiers d’hiver et d’été pourraient donc être les mêmes ou se situer à proximité l’un de l’autre.

Des molosses « autophiles »…

Qualifié de rupestre, le molosse de Cestoni est de fait bien présent dans le département de l’Ardèche et notamment dans la partie sud-est où les individus de l’espèce trouvent de nombreuses falaises à leur convenance. Cette présence est remarquable (dans tous les sens du terme) mais, pour autant, peu de gîtes sont connus et la reproduction certaine de l’espèce n’est attestée que par une seule donnée !

Une grande surprise découle de la découverte d’un gîte en 1997 lors d’une prospection des tunnels routiers creusés dans la roche le long de la rivière Ardèche au niveau de Ruoms. Sur ce site, dont les contrôles successifs au fil des ans ont montré une occupation régulière, les individus (jusqu’à 11 recensés) se tiennent dans une fissure à environ quatre mètres au dessus de la route. En période estivale, sur cette route touristique, le nombre de voitures qui passent tous les jours sous les molosses est considérable et, on imagine aisément l’importance des gaz d’échappements qui remontent jusqu’à eux… Précisons également qu’ils ne sont pas les seuls à profiter de ce magnifique site et des innombrables gîtes qu’il offre, puisqu’à ce jour ce n’est pas moins de neuf espèces qui y ont été identifiées.

Habitats exploités en phase d’activité en Rhône-Alpes

Le molosse n’a pas fait l’objet d’études télémétriques en Rhône-Alpes. Seules des captures au filet et des inventaires acoustiques permettent aujourd’hui d’apprécier de manière très incomplète les habitats exploités par l’espèce.

Depuis 2000, trois femelles et huit mâles ont été capturés sur un total de 1982 soirées de captures réalisées dans la région. Ce faible résultat est davantage lié à la difficulté de capture de l’espèce qu’à son absence au sein des zones prospectées. En effet, le molosse est une espèce de haut vol, assez régulièrement observée chassant à des dizaines de mètres au dessus du sol.

La plupart des individus ont été capturés à moins de 750 mètres d’altitude, excepté trois mâles capturés à des altitudes entre 750 et 1500 mètres. Du fait du peu de données, il est difficile d’être catégorique mais une ségrégation altitudinale entre mâles et femelles semblerait exister. La majorité des captures ont eu lieu en septembre.

Le détecteur d’ultrasons est de loin la technique d’étude la plus efficace pour identifier la présence de cette espèce. Une étude réalisée à partir d’enregistrements ultrasonores dans la Vallée de la Gervanne (Drôme) (Duron, 2011) confirme l’affinité du molosse pour les milieux rupestres : au total, plus d’un tiers des individus a été contacté le long de falaises ou de milieux rocailleux. Les deux tiers des contacts restants se répartissent au sein des autres milieux étudiés : zones agricoles, pelouses et prairies, landes et broussailles ou encore forêts. Cela confirmerait la propension de cette espèce à exploiter une grande variété d’habitats (Marques et al. 2004). Toutefois, sa détection en forêt ne signifie pas que le molosse chasse au sein des massifs forestiers. En effet, cette espèce émet des cris qui portent sur de longues distances. Aussi, il est plus probable que les contacts enregistrés proviennent d’individus chassant au dessus de la canopée et profitant des essaimages d’insectes produits en forêt. Enfin, l’observation régulière du molosse de Cestoni dans les villages et petites villes laisse supposer l’exploitation occasionnelle de la ressource alimentaire des zones urbaines, en particulier les insectes attirés par la lumière des lampadaires. En Ardèche, la grande majorité des contacts en activité est localisée le long des cours d’eau (vallée de l’Ardèche et affluents), ce qui laisse supposer que l’espèce exploite préférentiellement les corridors alluviaux fortement productifs en insectes.

Menaces pesant sur l’espèce en Rhône-Alpes

L’activité humaine peut être une source de menace non négligeable. Bien qu’encore peu mise en évidence sur la région, sa tendance à utiliser des gîtes anthropiques peut ponctuellement lui être fatale à l’occasion de travaux d’entretien. Par ailleurs, sa présence est souvent notée dans les fronts de taille de carrière lors d’études d’impacts en vue de leur agrandissement. Les populations concernées, si elles ne sont pas détruites, sont alors contraintes de rechercher d’autres gîtes. La sécurisation des falaises au-dessus d’infrastructures de transports (routes, voies ferrées…), à travers les purges et la pose de grillages, pourraient sur le long terme, conduire à la disparition d’un grand nombre de gîtes.

En milieu naturel, l’installation de voies d’escalade peut affecter localement certaines populations (purges, fréquentation…). Nous disposons d’ailleurs d’informations provenant de grimpeurs qui observent régulièrement des chauves-souris lors de travaux de sécurisation de voies.

Enfin, comme pour beaucoup d’espèces, notamment celles de « haut vol », la présence d’éoliennes sur des cols ou au sein d’habitats favorables au molosse, peut être responsable d’une mortalité accrue de cette espèce.

Le molosse n’est cependant pas considéré comme une espèce menacée en Rhône Alpes. Son habitat reste préférentiellement rupestre (fissures et écailles en falaise) et lui permet d’être relativement peu dérangé par les activités humaines.

Protection de l’espèce en Rhône-Alpes

Le molosse n’étant pas considéré comme une espèce prioritaire, aucune mesure n’a été prise en vue de sa conservation en Rhône-Alpes. Principalement rupestre, il bénéficie donc seulement de manière indirecte d’actions menées en faveur de la conservation d’autres espèces (protection de secteur de nidification de rapaces rupestres).

Les outils de protection réglementaire mis en place sur les secteurs de gorges assurent cependant la préservation de milieux accueillants pour l’espèce (RNN des gorges de l’Ardèche, APPB du Défilé de Donzère, APPB rivière Ardèche, APPB falaises du département de l’Ain…)

M‰olosse de Cestoni

Lacunes identifiées et actions à engager

Le molosse de Cestoni est encore une espèce très peu connue et reste peu étudié aujourd’hui en partie du fait d’un statut de conservation jugé non préoccupant. Pourtant, en connaître plus sur ses effectifs ainsi que sur sa biologie et son écologie permettrait de définir des actions de conservation plus adaptées. Aussi, des opérations de radiopistage permettraient de préciser ses préférences d’habitats, les caractéristiques de son domaine vital ainsi que de découvrir de nouvelles colonies.

Des campagnes de sensibilisation à destination du personnel travaillant sur les ouvrages d’art mais aussi à destination des amateurs de sports de pleine nature doivent être menées. Celles-ci devraient les informer de leur impact potentiel sur les populations de Chiroptères, leur préciser les périodes de l’année où un effort de conservation doit être réalisé et enfin leur présenter comment réagir lorsqu’ils se trouvent en présence de chauve-souris.