Quelques données chiffrées
Nombre total de données et types de contacts
Nombre total de gîtes et périodes d'occupation
Première mention en Rhône-Alpes
Un cadavre est découvert le 23 février 1908 à la grotte de Thaïs (Drôme) (Léger). Le premier individu noté vivant est observé en Ardèche à la grotte de Meysset par Jean Balazuc le 16 décembre 1945.
Distribution actuelle
Le petit rhinolophe est une espèce afro-paléarctique présente sur l’Europe de l’ouest, îles britanniques comprises. Il est absent du bassin de la mer Baltique et de la péninsule scandinave. Son aire de répartition s’étend à l’est au Moyen-Orient jusqu’aux contreforts himalayens et au sud, au Maghreb.
Noté sur tous les départements rhônalpins, le petit rhinolophe est surtout présent sur les secteurs de piémont. La population de la vallée de la Tarentaise est la seule identifiée dans une vallée interne au massif alpin. A l’est, les massifs subalpins et jurassien abritent d’importantes populations avec une relative continuité du nord au sud. Le hiatus observé en Isère résulte vraisemblablement du manque de prospection sur les secteurs favorables (Chartreuse notamment). A l’ouest, on le rencontre sur les rebords du massif central, essentiellement en Ardèche et dans le Rhône (Monts du Lyonnais et Beaujolais). Sur la partie méridionale de la région (Drôme et Ardèche), la répartition de cette espèce est homogène de part et d’autre du Rhône.
Cette occupation préférentielle sur les marges des massifs s’explique de deux façons. D’une part, le petit rhinolophe évite les secteurs d’altitude trop frais, 89 % des données sont localisés entre 250 et 750 mètres d’altitude. D’autre part, les secteurs de plaines fortement anthropisés* (vallée du Rhône, Forez, Grésivaudan, combe de Savoie) ne lui conviennent plus du fait de l’altération des habitats.
La distribution de l’espèce montre peu de différences entre l’été et l’hiver. Bien que le nombre de mailles occupées à la belle saison soit plus important, on retrouve globalement les mêmes secteurs de présence.
Le petit rhinolophe est rare à plus de 1000 mètres d’altitude. Seules deux colonies de reproduction sont connues en Drôme au-dessus de ce seuil (1070 et 1120 mètres d’altitude). En été, une grotte en Haute-Savoie située à 1805 mètres est fréquentée par le petit rhinolophe et en période hivernale plusieurs observations ont été réalisées sur des cavités localisées à plus de 1500 mètres.
Cette espèce apprécie les régions boisées et bocagères. Les structures paysagères telles que les haies, les rivières pourvues de bandes de ripisylve continue ou les corridors forestiers sont essentielles. Un paysage diversifié présentant une vaste palette d’habitats interconnectés favorise la présence du petit rhinolophe.
Évolution des connaissances et des effectifs en Rhône-Alpes
Comme pour beaucoup d’autres espèces de Chiroptères, le nombre d’observations de petits rhinolophes a « explosé » à la fin des années 90, période durant laquelle les réseaux d’observateurs se sont largement étoffés. Ainsi, jusqu’en 1997, la moyenne du nombre d’observations annuelles ne dépassait pas la centaine. Les années suivantes, la barre des 200 données annuelles était dépassée. Elle est aujourd’hui proche des 400 à 450 mentions par an.
La connaissance plus fine, notamment des colonies de reproduction, a suivi la même évolution. A la parution du premier atlas régional (CORA, 2002), 40 sites de mise-bas étaient répertoriés sur l’ensemble de la région. Au cours des 10 dernières années, ce chiffre est passé à 260. La reproduction de l’espèce a notamment été découverte dans le Rhône et la Loire ; la Haute-Savoie restant le seul département où aucune colonie de reproduction n’est actuellement connue. Ailleurs, comme dans l’Ain, en Ardèche, en Drôme ou encore en Savoie, d’importants efforts de prospections du milieu bâti ont permis d’augmenter très significativement le nombre de sites de parturition connus.
La population reproductrice recensée s’élève à environ 10000 individus (adultes et jeunes) répartis sur 260 gîtes de parturition. Selon les observateurs et les périodes de visite des colonies, le nombre de jeunes représente entre la moitié et les trois quarts de cet effectif.
Les départements les plus peuplés sont la Drôme, l’Ain, la Savoie et l’Ardèche. Ces quatre départements ont en commun de posséder de vastes ensembles d’habitats favorables au petit rhinolophe et aussi d’avoir été largement prospectés. Au regard des milieux présents, une partie du département de l’Isère (piémont du massif de la Chartreuse notamment) pourrait héberger d’importantes populations mais peu de recherches ont été menées sur ce territoire. En Haute-Savoie, les milieux favorables sont présents sur des surfaces moindres. L’altitude et le climat frais limitent certainement la présence de cette espèce, de même que la dégradation des milieux à faible altitude (urbanisation, intensification des pratiques agricoles et infrastructures). La présence de colonies de reproduction demeure néanmoins hautement probable. Dans le Rhône et la Loire, on note des effectifs modestes. Cet état de fait est multifactoriel et notamment lié à des secteurs favorables plus restreints (absence de zone karstique), à des habitats fortement altérés ainsi qu’à un manque de prospection du bâti en période de reproduction.
En hiver, on constate la même répartition des noyaux de populations. Les secteurs de piémont et les grands massifs karstiques riches en cavités concentrent la majeure partie des effectifs régionaux. L’Ardèche et l’Ain rassemblent ainsi plus de la moitié de la population hivernante connue de Rhône-Alpes.
Le petit rhinolophe est une espèce sensible du fait de ses grandes exigences en termes d’habitats. Recherchant des milieux riches en entomofaune, variés et interconnectés, il dépend tout autant du milieu bâti pour se reproduire que du milieu souterrain pour hiberner. Cette fragilité et les grands bouleversements liés aux révolutions agro-industrielles successives ont porté des coups fatals aux populations de cette espèce un peu partout en Europe.
Même s’il est difficile d’évaluer précisément les effectifs d’une espèce de chauve-souris, nous disposons d’éléments chiffrés sur un certain nombre de sites notamment ceux occupés en hiver. Ces cavités, naturelles ou artificielles, ont fait l’objet de visites au protocole très strict (dates de contrôle, parcours et si possible observateurs identiques) depuis de nombreuses années. Malgré des variations interannuelles possiblement liées à la météorologie hivernale, on constate d’après ces suivis une augmentation régulière du nombre de petits rhinolophes hivernants dans ces cavités. Cette augmentation dans le Rhône est devenue évidente à partir de 1993. Depuis 1986, le nombre d’individus hivernants est passé de quelques unités à près de 80 (Ariagno & Hytte, 2009). La protection de sites souterrains, encore peu développée, n’a pas eu d’incidence sur cette espèce. En effet, on constate des augmentations de populations dans diverses cavités qu’elles soient protégées ou non. Si la limitation du dérangement sur les sites d’hibernation ne semble pas être la raison de cette hausse d’effectifs, on peut vraisemblablement conclure que les populations connaissent une meilleure santé du fait de l’amélioration de conditions plus générales. L’arrêt ou la diminution de certains traitements phytosanitaires et la recolonisation par la forêt de vastes espaces peuvent expliquer partiellement cette progression.
Il faut néanmoins rester prudent sur l’analyse des tendances qui semblent se dégager sur les effectifs estivants de cette espèce. En effet, si les chiffres observés sur certains sites de référence sont plutôt encourageants, il n’en demeure pas moins une absence d’évaluation sur des populations marginales ou particulièrement exposées (zones de plaine, vallée du Rhône…).
En Rhône-Alpes, on observe sur certaines populations une forte pression sur les colonies de reproduction en milieu bâti. De nombreuses maternités sont perturbées, voire chassées de leur gîte. Paradoxalement, et sur une échelle plus large, on constate que certains effectifs hivernants de cavités souterraines augmentent sensiblement depuis plusieurs dizaines d’années. Les populations régionales rencontrent des difficultés à se maintenir localement mais la croissance des effectifs semble globalement bien réelle.
Acquisition des données en Rhône-Alpes
Le petit rhinolophe est une espèce aisément visible dans ses gîtes, autant en hiver qu’en été. En contrepartie, c’est une espèce difficile à capturer au filet. Doté d’un sonar* ultra précis et d’un vol extrêmement habile, le petit rhinolophe peut se permettre d’exploiter des milieux très fermés à la recherche de ses proies, mais il fait le désespoir des chiroptérologues lancés à sa recherche par la technique de la capture au filet. Les cris d’écholocation* de cette chauve-souris ne peuvent pas être entendus à plus cinq mètres. Par conséquent, les techniques acoustiques restent très limitées pour contacter cette espèce. L’écrasante majorité des observations (88 %) provient donc naturellement d’observations directes, en milieu souterrain ou dans les habitations.
On constate généralement un décalage très net entre les effectifs reproducteurs et les effectifs hivernants. Dans la Loire, le Rhône et l’Ardèche, la prospection du milieu souterrain est une « longue tradition » alors que la recherche de colonies dans les habitations ne vient que récemment de se généraliser. Il en résulte une situation où les hivernants représentent le double, voire jusqu’à plus de huit fois, du nombre de ceux observés en période de mise-bas. De plus, dans le Rhône et la Loire, où il existe peu de cavités souterraines, les prospections hivernales s’approchent sans doute de l’exhaustivité contrairement à d’autres départements comportant des milliers de cavités souterraines. Ailleurs, on observe l’inverse avec des écarts encore plus marqués comme dans la Drôme où l’on note près de 4200 reproducteurs pour moins de 500 hivernants. Au niveau régional, l’analyse des données se traduit par une moyenne de un hivernant pour deux reproducteurs.
Une majorité d’hivernants sur un département indique vraisemblablement un manque de recherches ciblées sur les colonies estivantes comme en Ardèche, dans la Loire et le Rhône. A l’inverse, une proportion de reproducteurs supérieure au double des hivernants marque une lacune de la connaissance des sites utilisés par le petit rhinolophe en hiver. Cette situation apparaît nettement dans l’Ain, la Drôme et en Savoie. Les informations en Isère, bien que peu nombreuses, montrent cependant un certain équilibre entre les deux périodes.
L’aire de répartition régionale a fortement évolué depuis la parution du premier atlas (CORA, 2002), et de manière globalement positive du fait d’une importante pression de prospection. Des exceptions sont toutefois notables dans plusieurs sites connus à basse altitude en Haute-Savoie et dans quelques secteurs de l’Ain, où une absence récente a été constatée. Au niveau de la progression spatiale, les autres départements ont connu une réelle évolution, résultat d’intenses recherches. Globalement, le nombre de gîtes observés sur la période 2001-2012 a doublé par rapport à la connaissance antérieure. Pour exemple, dans la Loire, l’espèce n’était connue que sur trois sites en hiver avant 2000. Aujourd’hui, 25 sites l’abritant durant la mauvaise saison ont été répertoriés. En Drôme, le nombre de sites de reproduction avant 2000 était de douze, on en compte désormais 118.
A l’heure actuelle, le petit rhinolophe est présent sur 247 mailles soit 48 % de la surface relative de la région. Sa présence a été constatée sur 67 nouvelles mailles depuis 2001.
L’espèce a fait l’objet de quelques opérations de baguage, ce qui n’a pas permis de collecter d’information particulière (voir la partie sur la pratique historique du baguage).
Le petit rhinolophe : roi du cache-cache
Lors d’un radiopistage effectué en Drôme en 2007, trois petits rhinolophes sont suivis pendant près d’une semaine. L’opération, menée au mois d’août, est rendue difficile par des conditions météorologiques fraîches et humides accentuées par un secteur d’étude assez élevé en altitude (plus de 1000 mètres). Au cours du suivi, les trois individus équipés disparaissent en fin de nuit dans un même secteur situé à près d’un kilomètre de leur gîte habituel (bâtiment). Le signal d’un de ces individus est encore perceptible, statique et faible. Les recherches effectuées le lendemain permettent de découvrir une cavité d’où sort le signal en question. Au pied d’une petite falaise, un replat boisé s’avère être un chaos de blocs. Au cœur de celui-ci, nous découvrons plusieurs ouvertures qui mènent à plusieurs petites salles reliées par des étroitures. L’ensemble représente quelques dizaines de mètres de développement. Quatre petits rhinolophes y sont observés, dont l’un des individus équipés. Le signal de l’émetteur d’un autre individu est capté dans la grotte mais il reste introuvable. Plusieurs passages infranchissables laissent envisager une suite…
Le soir même, nous nous apercevons que les trois individus suivis se trouvent dans ce gîte.
Cette anecdote montre, entre autres, la capacité d’exploration et d’utilisation du monde souterrain de cette petite chauve-souris. Cette grotte possède un développement largement supérieur à ce que nous avons pu en voir, inaccessible pour l’homme. Espérons que l’inaccessibilité d’une partie du monde souterrain pour les êtres humains constitue une chance pour le petit rhinolophe. Il dispose ainsi d’un sanctuaire qui le met à l’abri de nos regards indiscrets et… des perturbations, volontaires ou non.
Phénologie d’observation en Rhône-Alpes
Le nombre d’observations tout au long de l’année traduit plus l’activité des observateurs que la présence ou non du petit rhinolophe. Été comme hiver, cette chauve-souris est peu discrète et celui qui souhaite la rencontrer, pour peu qu’il connaisse sa biologie, ne connait pas l’échec.
Le nombre d’observations hivernales (38 % du total), nettement majoritaire par rapport au reste de l’année, met en évidence un engouement marqué, au niveau régional, pour la prospection et le suivi de cavités à la mauvaise saison et ce depuis de longues années.
Si le petit rhinolophe peut s’observer toute l’année en milieu souterrain, il est en revanche très rarement noté dans les bâtiments en hiver et exclusivement dans des caves.
Les suivis de colonies montrent que les naissances ont généralement lieu à partir de juin. La date la plus précoce relevée à ce jour est le deux de ce mois, mais, en général, on observe les premières naissances à partir de la deuxième moitié de juin. Dès la mi-juillet, on peut observer les premiers envols. Comme pour beaucoup d’autres espèces, l’étalement des naissances au sein d’une même colonie peut être important et des jeunes non volants ont été observés après la troisième décade d’août.
Gîtes utilisés par l’espèce en Rhône-Alpes
Les gîtes utilisés en hiver sont exclusivement souterrains, et comprennent les caves et les souterrains bâtis. En Rhône-Alpes, plus de 2900 individus hivernants ont été recensés, répartis sur 583 gîtes différents. On dénombre donc une moyenne de 7,5 individus par gîte. Le maximum observé s’élève à 112 individus sur une grotte d’Ardèche. Sur ce même département, trois cavités très proches les unes des autres rassemblent jusqu’à 170 individus. Les regroupements de plus de 50 individus sont relativement rares. Le suivi mensuel d’une cavité de la Drôme hébergeant une population hivernante assez conséquente (maximum de 50 individus) en 2004-2005 a permis de noter que les premiers hivernants arrivent dès le mois d’octobre. Leur nombre augmente ensuite progressivement et devient important dès le premier coup de froid. Le maximum est atteint dans la première quinzaine de février et la dispersion des individus s’opère dans le courant du mois d’avril.
Le suivi de sites en hiver, comprenant des visites espacées de plusieurs semaines, montre que généralement un certain nombre d’individus occupent fidèlement le même emplacement tout au long de cette saison. D’autres ne stationnent en revanche sur le site que pendant une période limitée et changent d’emplacement (ou de gîte) même au cœur de la mauvaise saison.
Une moyenne de 34 individus par gîte de mise bas est notée en Rhône-Alpes. Les maternités peuvent cependant compter jusqu’à plus de 200 femelles adultes. Le groupe de parturition* le plus important rassemblait 243 adultes et 220 jeunes dans une église du Vercors à 350 mètres d’altitude. Les rassemblements de plus de 100 femelles adultes sont toutefois assez rares et ne se rencontrent que dans les bastions de l’espèce (deux dans l’Ain, une en Ardèche, quatre dans la Drôme et une en Savoie). En Drôme, trois maternités majeures (243, 160 et 150 femelles adultes) sont installées dans des bâtiments dont les propriétaires veillent à leur conservation. Les effectifs sont stables voire augmentent d’année en année. Sur d’autres secteurs, on observe des colonies avec un plus faible nombre d’individus mais parfois très proches les unes des autres. Ces colonies sont vraisemblablement inter-connectées et fonctionnent probablement en réseau de gîtes.
Les bâtiments, qui représente l’immense majorité des gîtes de mise bas, sont très variés : grange, grenier, cave, étage d’habitation abandonnée, vide sanitaire, étable, pigeonnier, usine désaffectée ou pont à tablier creux. L’idéal semble être les anciennes fermes qui présentent plusieurs configurations d’espaces inoccupés, avec par exemple, caves et bergerie, étages et combles. Ces différents espaces seront utilisés alternativement par les petits rhinolophes en fonction de la température de chacun.
Les quelques colonies de parturition connues dans des sites souterrains (n=11), autres que les caves, rassemblent généralement des effectifs assez faibles (entre 10 et 20 femelles). Ces cavités sont souvent de faibles dimensions et proches de la surface. Elles sont aussi localisées dans des secteurs très thermophiles.
La connaissance des dates d’arrivée sur les sites de mise bas est encore très imprécise. Les futures mères peuvent commencer à occuper les lieux dès le mois d’avril, mais la majorité de l’effectif s’installe généralement vers la mi-mai.
Au mois d’août, la plupart des jeunes sont sevrés et autonomes. La dispersion est plus ou moins rapide et dépend probablement des conditions météorologiques et des ressources en nourriture à proximité du gîte. Sur une colonie drômoise située en altitude (plus de 1000 mètres), un brusque refroidissement en août 2007 fit subitement disparaître tous les individus de leur gîte. Une partie, suivie par télémétrie, fut retrouvée dans une cavité toute proche.
Les individus en transit se répartissent sur une grande variété d’abris : cabane, grange, comble, préau, tunnel de drainage, souterrain, mine, grotte plus ou moins profonde ou simple abri sous roche, cave, ancienne citerne ou transformateur électrique désaffecté. Le plus original est sans conteste l’utilisation des terriers de blaireaux, témoignant d’un certain opportunisme de l’espèce. Sur ces périodes intermédiaires, il est rare de voir des rassemblements conséquents.
Habitats exploités en phase d’activité en Rhône-Alpes
En activité de chasse, le petit rhinolophe exploite essentiellement des milieux forestiers de préférence peuplés d’essences feuillues. Les landes ou prés-bois sont aussi fréquentés comme l’a mis en évidence une opération de radiopistage menée en Drôme en 2007. Lors de cette étude, les milieux ouverts ou les cultures ont été largement évités, de même que les boisements de résineux. Sur le territoire étudié, il est apparu que les forêts de feuillus, situées principalement en fond de vallon, étaient parcourues presque exclusivement lors des nuits fraîches et humides. Les soirées plus clémentes permettaient aux individus de prospecter des milieux plus ouverts (landes et pré-bois). Les distances entre le gîte et les zones de chasse des trois individus suivis étaient comprises entre 1,2 et 2,8 kilomètres.
Lors d’inventaires acoustiques, cette espèce est souvent contactée dans les ripisylves, le long des allées forestières ou sur les lisières. Les landes et pelouses avec bosquets d’arbres sont aussi fréquentées. Il est intéressant de noter que l’exploitation des ripisylves semble importante au printemps probablement du fait d’une production en proies plus précoce que dans d’autres milieux.
En été, des contacts ont été collectés en altitude (plus de 1300 mètres) ce qui peut indiquer un phénomène de transhumance en vue d’exploiter des ressources saisonnières abondantes. Ainsi, dans le Vercors, des observations ont été réalisées à plus de 1350 mètres dans des secteurs de forêts de résineux entrecoupés de prairies.
Le Bugey, bastion du petit rhinolophe !
Au cours de l’été 2012, Fanny Bonnet en stage à la LPO Rhône-Alpes a arpenté le massif du Bugey (Ain) à la recherche des petits rhinolophes avec pour objectif de visiter un maximum de bâtiments. Ainsi, sur environ 1800 kilomètres carrés, 174 bâtiments dont 135 églises et chapelles furent visités dans 137 communes. L’espèce recherchée a été observée dans pas moins de 69 édifices (43 colonies de reproduction) totalisant plus de 1620 adultes et plus de 2000 individus en incluant les jeunes !
Les milieux naturels très favorables à l’espèce et les nombreux gîtes potentiels laissent supposer que la population réelle est beaucoup plus importante.
Menaces pesant sur l'espèce en Rhône-Alpes
Les menaces sur les gîtes de reproduction sont certainement les plus préoccupantes si l’on considère que l’énorme majorité des maternités est installée dans des constructions humaines. Deux phénomènes contradictoires peuvent se rencontrer. D’une part les maisons abandonnées finissent par tomber en ruine et sont alors désertées. D’autre part, des bâtiments de ce même type peuvent être rénovés « de fond en comble » sans plus aucune possibilité d’accueillir les colonies. L’optimisation de l’espace disponible dans les bâtiments est liée à une forte demande en logement, renforcée par un engouement de vivre à la campagne dans un cadre non urbain et dans un bâti « traditionnel » ayant un certain cachet. La réhabilitation du bâti agricole (vieille ferme, grange, cabanon de vignes…), de maisons de campagne et même de vieux bâtiments industriels (magnaneries, moulinages…) ou publics, (églises, presbytères, anciennes écoles…) déjà entamée depuis plusieurs dizaines années, ne connait pas de répit.
Entre abandon et réhabilitation sans cohabitation possible, la disponibilité en gîtes favorables semble diminuer de manière continue. En outre, la réalisation de travaux d’entretien ou de rénovation de toitures ou de charpentes sans prise en compte des chauves-souris peut s’avérer néfaste même si les espaces restent inoccupés par l’homme. En effet, l’utilisation de produits toxiques pour traiter les charpentes, la réalisation de travaux en période estivale, l’obturation des accès… sont autant d’éléments qui peuvent conduire à la dégradation des conditions d’accueil du gîte. Certaines populations, parfois installées de longue date, ont déserté leur site de reproduction suite à ce type de travaux.
Souvent entrepris dans l’ignorance des conséquences qu’il engendre, l’éclairage excessif des églises et autres bâtiments fait partie de ces aménagements hautement perturbateurs et néfastes au petit rhinolophe.
La question des perturbations du milieu souterrain utilisé par l’espèce se pose aussi. Le petit rhinolophe utilise les cavités de manière peu discrète et se suspend généralement en évidence. Le dérangement peut être malencontreux ou délibéré (aménagement touristique des cavités, exploration avec travaux, fréquentation trop importante en période sensible, photographie, bivouacs « festifs » voire vandalisme…). La visite ou l’exploration du milieu souterrain doit être respectueuse de toutes les composantes de ce patrimoine naturel sensible dont les chauves-souris font partie, au même titre que les concrétions ou les peintures rupestres. La sensibilisation des utilisateurs du monde souterrain est indispensable pour établir un équilibre entre les activités humaines et les besoins des chauves-souris.
On observe localement une diminution des menaces sur les terrains de chasse et sur la ressource alimentaire. De vastes zones subissent la déprise agricole et connaissent un renouveau en termes de « naturalité » (recolonisation de la forêt, embroussaillement…). Ceci s’observe principalement sur les secteurs pentus de montagne où l’agriculture intensive n’a pas ou peu de chance de se mettre en place et où, au contraire, on observe un accroissement des modes de production dits « biologiques » ou « raisonnés ». Par contre, dans les secteurs de basse altitude, la disparition des milieux de chasse est toujours d’actualité : intensification de l’agriculture (céréalière, arboriculture) ou disparition de celle-ci au profit des aménagements urbains et industriels (création de lotissements, de zones d’activités, de zones industrielles) et développement des infrastructures attenantes (routes, autoroutes, voies ferrées). Ce sont autant de facteurs de disparition pure et simple d’espaces indispensables à la survie de cette espèce pour s’alimenter. Ces aménagements ne provoquent pas seulement la disparition de ces territoires, ils peuvent, par la rupture des corridors de circulations, priver des populations d’un accès libre à leur espace vital.
Le petit rhinolophe, de part son mode de déplacement (transit ou chasse), est très sensible à la circulation routière. En effet, il progresse très souvent à faible altitude (entre 50 centimètres et deux mètres au-dessus du sol) et se trouve exposé aux collisions avec les véhicules dès qu’il franchit une route. Des cas de mortalité de ce type ont régulièrement été constatés sur l’ensemble de la région. Même certains chiroptérologues, lors de trajets nocturnes, ont percuté des petits rhinolophes franchissant la chaussée. Cette mortalité peut en partie expliquer la disparition ou la faible densité des populations observées dans certaines régions où le maillage des infrastructures routières est particulièrement dense. Entre l’enclavement des milieux favorables par la rupture des continuums écologiques et la mortalité directe par collision, le développement et l’intensification des infrastructures routières constitue une menace majeure pour cette espèce.
Protection de l’espèce en Rhône-Alpes
La protection des sites de reproduction est une question essentielle. Ainsi, la mise en place de conventions (type « Refuges pour les chauves-souris »), autant avec les particuliers qu’avec les collectivités, doit être poursuivie et intensifiée. Là encore, un effort de sensibilisation et d’information doit être entrepris pour assurer la pérennité des colonies installées dans des bâtiments. Il faut à ce sujet souligner le travail du Parc naturel régional des Monts d’Ardèche qui, après avoir recensé plusieurs colonies dans des bâtiments publics de son territoire, prévoit une sensibilisation des communes pour la conservation de ces populations.
La dispersion des effectifs dans un grand nombre de cavités (plus de 500) ne place pas la mise en tranquillité de sites souterrains parmi les actions les plus prioritaires pour cette espèce. Toutefois, les sites souterrains hébergeant les groupes les plus importants pourront bénéficier d’une attention particulière. Il est par contre indispensable que tous ces sites restent accessibles pour les chauves-souris, le foudroyage d’anciens sites miniers est donc à proscrire. Des actions de sensibilisation des spéléologues sur la sensibilité de l’espèce accompagnées de pose de panneaux d’information sur les sites les plus importants sont autant de moyens de garantir la tranquillité et la pérennité de ces populations.
Au niveau de la protection ou la gestion des milieux de chasse, on peut citer un exemple de gestion favorable sur un site Natura 2000 en Drôme où plusieurs secteurs de prairies en phase de reboisement ont été aménagés. Ces parcelles en fond de vallon étaient en voie de colonisation par des résineux (pin noir principalement). Ces derniers ont été éliminés et, lors des travaux, les gestionnaires ont veillé à maintenir les bosquets de feuillus ou les fruitiers isolés. Le site en question présente aujourd’hui un ensemble de faciès semi-ouverts dotés de nombreuses lisières. Il est depuis fréquenté par une population de petits rhinolophes assez importante.
A travers la mise en œuvre des trames « vertes et bleues » envisagée sur l’ensemble du territoire, nous avons la capacité d’agir efficacement en faveur des populations de petits rhinolophes en leur garantissant une libre circulation entre leurs gîtes et leurs zones de chasse. Cette démarche doit être complétée par la protection des gîtes de reproduction et d’hibernation.
Lacunes identifiées et actions à engager
La connaissance de cette espèce en Rhône-Alpes est bonne au regard du nombre de données disponibles. Cependant, il est clair que des lacunes subsistent. L’hivernage par exemple est largement réparti sur l’ensemble de la région avec localement des rassemblements importants. Dans certains secteurs de la région nous ne savons pas où les populations reproductrices passent l’hiver et inversement alors que le petit rhinolophe n’effectue pas d’importants déplacements entre l’été et l’hiver. L’identification des connexions et la distance entre les gîtes de reproduction et les gîtes d’hivernage doivent être affinées dans le but de mieux comprendre le fonctionnement de ces populations et de mieux les protéger.
En période de reproduction, on constate aussi une interconnexion entre les sites de mise-bas proches les uns des autres. Le recensement des effectifs de ces réseaux de gîtes est rendu difficile car les maternités peuvent se déplacer d’un gîte à un autre en fonction de conditions thermiques fluctuantes. Si l’ensemble du réseau n’est pas connu et n’est pas suivi de manière simultanée, une partie de la population peut sembler absente. Parallèlement, on observe sur certains secteurs de grosses colonies de plus de 100 reproducteurs avec souvent une certaine stabilité, voire une augmentation des effectifs. La question se pose de savoir si les populations croissent réellement dans ces secteurs ou si l’offre en gîte diminue et pousse les petits rhinolophes à se concentrer dans certains bâtiments.
La veille écologique concernant les problèmes de cohabitation en milieu bâti, notamment ceux dus à la réhabilitation ou l’entretien des habitations, doit être renforcée. De même, l’aménagement harmonieux du territoire, la gestion des milieux, le maintien des corridors biologiques avec l’accès à des habitats riches en nourriture doivent être encouragés.
Concernant la diminution de l’offre en gîtes favorables pour la reproduction, le maintien d’espaces réservés (grenier, cave, dépendance…) sera déterminant pour la pérennité des populations. En outre, de nombreux bâtiments abandonnés pourraient faire l’objet de réaménagements spécifiques voire de restauration (anciens transformateurs électriques, anciens réservoirs d’eau, bâtiments désaffectés, cabanons…). En Rhône-Alpes, de tels aménagements ont déjà été faits ponctuellement mais leur systématisation fournirait un réseau de gîtes important pour l’espèce.
La création de gîtes artificiels pourrait également être envisagée. Des expériences menées en Bretagne notamment ont montré l’efficacité de ces réalisations. Ces constructions présentent plusieurs avantages : elles peuvent être de faible dimension (pas de nécessité d’obtention de permis de construire) et « parrainées » par des collectivités locales ou des particuliers.
Tous ces aménagements, outre leur vocation de conservation pour les chauves-souris, pourraient servir de supports pédagogiques dans le cadre d’une politique de sensibilisation à l’environnement et « d’écocitoyenneté ».