Quelques données chiffrées
Nombre total de données et types de contacts
Nombre total de gîtes et périodes d'occupation
Première mention en Rhône-Alpes
Quatre pipistrelles de Kuhl sont baguées par Jean-Marie Nappey le 10 juillet 1967 sur la commune de Saint-Bonnet-le-Château (Loire).
Distribution actuelle
La distribution de la pipistrelle de Kuhl couvre largement le sud du Paléarctique occidental, du bassin méditerranéen jusqu’au Moyen-Orient et en Ukraine. En France, l’espèce est présente sur presque tout le pays à l’exception du Nord-Est. Elle semblerait en progression géographique vers le nord du pays, où elle est contactée de plus en plus régulièrement.
En Rhône-Alpes, elle est présente sur les huit départements, depuis les secteurs de plaine jusqu’aux piémonts du massif alpin. Elle pénètre les vallées alpines (Maurienne, Arve, Drac) à la faveur des secteurs les plus thermophiles. À l’exception des hautes montagnes, son absence des cartes de répartition est vraisemblablement attribuable à un défaut de prospection.
Cette espèce est contactée principalement en plaine (80 % des contacts à moins de 500 mètres d’altitude) et les données à plus de 1000 mètres sont rares, ce qui la distingue de la pipistrelle commune. La mention la plus haute en altitude provient d’un contact acoustique dans les Ecrins (2200 mètres). Localement, elle semble pouvoir se reproduire jusqu’à des altitudes remarquables ; des femelles allaitantes ont été notées jusqu’à 1691 mètres à Bessans en Haute-Maurienne.
La pipistrelle de Kuhl est une espèce des milieux ouverts, des secteurs artificialisés et des zones de transitions (lisières, parcs, bocage). Elle peut être abondante en milieu urbain où elle est régulièrement mieux représentée que la pipistrelle commune. En zone méditerranéenne, elle apparaît globalement plus commune et plus abondante que la pipistrelle commune.
Evolution des connaissances et des effectifs en Rhône-Alpes
Sur les 3271 données disponibles de la région, plus de 90 % ont été collectés sur la période 2001-2012. Ce bond de connaissance est principalement dû à l’émergence et la généralisation des inventaires acoustiques.
Cette progression s’observe dans tous les départements, avec quelques disparités quantitatives. Elle a permis de préciser sa distribution principalement en période estivale. En effet, l’espèce étant commune et assez généraliste, elle est facilement contactée par les chiroptérologues à la belle saison. Presque chaque soirée d’inventaire apporte son lot d’informations sur la présence de l’espèce sur un secteur. La connaissance de la pipistrelle de Kuhl est donc étroitement dépendante de la pression d’observation et du nombre de chiroptérologues actifs sur chaque département. La répartition de l’espèce sur la région est bien connue.
L’état actuel des connaissances et les imprécisions identifiées sur les différentes espèces de pipistrelles au gîte, ne permettent d’évaluer ni l’importance des effectifs, ni leur tendance d’évolution.
Acquisition des données en Rhône-Alpes
Tous les départements de la région fournissent des données de pipistrelle de Kuhl avec cependant de fortes disparités : la Drôme, l’Isère et le Rhône représentent 61 % des données alors que la Savoie et la Haute-Savoie en fournissent moins de 10 %.
82 % des données ont été collectés grâce à la détection acoustique, essentiellement en périodes estivale et de transit. La pipistrelle de Kuhl est par ailleurs une espèce régulièrement capturée au filet (10 % des données de l’espèce). Moins de 4 % des observations concernent des individus au gîte, ce faible nombre s’expliquant par la difficulté à déterminer cette espèce sans manipulation. Ainsi, une part significative des pipistrelles indéterminées vues au gîte peut concerner la pipistrelle de Kuhl.
La présence de l’espèce est actuellement attestée dans 359 mailles (69 % de couverture relative de la région) alors qu’elle n’était connue que dans 101 mailles avant 2001.
Phénologie d’observation en Rhône-Alpes
L’espèce est principalement observée durant sa phase d’activité, c’est-à-dire entre le printemps et l’automne. En effet, très peu d’observations hivernales sont relevées, principalement du fait que les gîtes qu’elle utilise échappent aux observateurs et en raison des difficultés d’identification (354 observations hivernales de pipistrelles indéterminées contre 30 de pipistrelle de Kuhl).
Ainsi, les observations estivales de la pipistrelle de Kuhl sont largement majoritaires dans le lot total de données (64,5 %). Les périodes de transit cumulent 34,5 % des informations avec une nette prépondérance à l’automne.
Peu d’informations précises sur la phénologie de reproduction sont disponibles. Les premiers jeunes volants sont contactés au cours de la seconde décade de juillet, ce qui correspond à des mises-bas dans le courant du mois de juin.
Aucun comportement migratoire de l’espèce n’a été relevé.
Gîtes utilisés par l’espèce en Rhône-Alpes
On serait tenté de croire, pour une espèce aussi largement répartie et abondante, qu’un grand nombre de gîtes sont connus. Cependant, seulement 90 gîtes sont référencés en Rhône-Alpes. Très peu d’informations sont disponibles sur les gîtes hivernaux, qui ne concernent que 9 % du total. La moitié des gîtes découverts l’a été en période estivale. Ce constat s’explique encore par la difficulté de détermination spécifique de l’espèce au gîte. Ainsi, 466 gîtes de pipistrelles indéterminées (toutes périodes confondues) ont été localisés et peuvent potentiellement concerner la pipistrelle de Kuhl (voir l’introduction sur les pipistrelles indéterminées).
Les cavités souterraines sont très peu utilisées par l’espèce et, quand c’est le cas, elles le sont exclusivement en hiver. La pipistrelle de Kuhl a été observée dans les fissures de porches d’entrée de trois grottes.
En grande majorité, les gîtes identifiés sont en milieu bâti (82 %), où la pipistrelle de Kuhl occupe l’arrière des volets, les cavités des murs, les joints de dilatation, les espaces entre la couverture et l’isolation des toits… Les ponts sont régulièrement fréquentés, en particulier les espaces derrière les corniches des ouvrages modernes, où des colonies importantes ont été observées. Quelques observations ponctuelles mentionnent des pipistrelles de Kuhl en falaise (n=1), dans des cavités arboricoles (n=2) et en gîtes artificiels (n=2).
Les 25 colonies de parturition connues sont installées en dessous de 600 mètres d’altitude et pour l’essentiel en milieu bâti comme cité précédemment. Les groupes rassemblent en moyenne 40 individus. La plus grosse colonie a été observée en 2009 dans la Loire où 400 femelles et jeunes ont été comptés.
Habitats exploités en phase d’activité en Rhône-Alpes
Cette espèce anthropophile s’est très bien adaptée à l’urbanisation et à l’artificialisation grandissantes des milieux. Elle est ainsi souvent contactée en zone urbanisée, chassant par exemple autour des lampadaires ou dans des milieux modifiés par l’Homme comme les bocages, les vergers, les haies, le long des routes… Il s’agit de l’espèce la plus contactée au sein des villes et ce jusqu’au cœur de grandes agglomérations comme Lyon.
En « milieux naturels », la pipistrelle de Kuhl fréquente assidûment la proximité des zones humides (bord d’étang, marais, ripisylves…) et les milieux forestiers vraisemblablement évités alors que la pipistrelle commune y est rencontrée régulièrement. Les milieux thermophiles semblent être appréciés par l’espèce.
Menaces pesant sur l’espèce en Rhône-Alpes
Cette espèce abondante, qui semble peu exigeante au regard des milieux qu’elle exploite, n’est pas pour autant à l’abri d’un certain nombre de menaces. Son caractère anthropophile la conduit régulièrement à être victime de malveillance ou de dérangement voire de destruction de ses gîtes. Sa proximité avec l’Homme la rend aussi très sensible à la prédation exercée par les chats domestiques.
La fréquentation des zones éclairées artificiellement, notamment au dessus des voies de circulation, l’expose aux risques de collisions avec des véhicules. De nombreux cas de mortalité routière ont ainsi pu être constatés.
Les quelques suivis de mortalité réalisés sur des éoliennes ont mis en évidence que la pipistrelle de Kuhl faisait partie des espèces les plus impactées, soit par collision soit par barotraumatisme. Ce constat s’explique notamment par son goût pour les milieux ouverts et sa tendance à suivre la structure verticale du paysage voire par sa « curiosité ».
Les populations de cette espèce sont impactées par tous ces facteurs. Néanmoins il est impossible d’évaluer les conséquences de ces menaces sur leur état de conservation. La pipistrelle de Kuhl semble cependant peu menacée au regard de son abondance relative et de sa vaste répartition.
Protection de l’espèce en Rhône-Alpes
Elle bénéficie cependant comme d’autres espèces de mesures générales en faveur de la biodiversité (restauration des ripisylves, trames vertes et bleues…).
Lacunes identifiées et actions à engager
D’une manière générale un travail sur les nombreuses colonies de pipistrelles indéterminées permettrait d’améliorer sensiblement le statut de connaissance des espèces du genre Pipistrellus.
Considérée comme peu menacée, la pipistrelle de Kuhl ne fait pas partie des espèces prioritaires en termes d’autécologie. Cependant, étant fortement exposée aux problèmes de cohabitation avec l’Homme, elle bénéficiera grandement des actions de sensibilisation sur les chauves-souris menées à destination du grand public.
La forte fréquentation des milieux urbains et artificialisés par la pipistrelle de Kuhl, pourrait désigner cette espèce comme « porte drapeau » pour la prise en compte de la biodiversité dans les projets d’aménagement et de constructions en milieu urbain ou périurbain. Le développement de projets architecturaux intégrant la dimension « biodiversité » devrait lui être bénéfique.