Quelques données chiffrées
Nombre total de données et types de contacts
Nombre total de gîtes et périodes d'occupation
Première mention en Rhône-Alpes
Une femelle est capturée et baguée au Col de Bretolet le 3 septembre 1966 (commune de Morzine, à la frontière entre la Haute-Savoie et la Suisse).
Distribution actuelle
La noctule de Leisler est une espèce répandue sur l’ensemble du paléarctique occidental, à l’exception de la Fennoscandie. En Rhône-Alpes, malgré une répartition très disparate, cette espèce a été observée dans tous les départements. Plusieurs « bastions » régionaux apparaissent : le sud des départements de l’Ardèche et de l’Isère, la Drôme et la zone de collines et moyennes montagnes du Jura (Bugey, Avant-Pays Savoyard).
Evolution des connaissances et des effectifs en Rhône-Alpes
Depuis le milieu des années 2000, les connaissances sur la répartition de l’espèce dans la région ont grandement progressé. La généralisation de l’utilisation des détecteurs d’ultrasons, couplée à l’amélioration des critères de détermination, a permis d’augmenter considérablement le nombre de données. Ainsi, 85 % des données de l’espèce recueillis à l’aide des détecteurs ont été réalisés depuis 2005. En revanche, l’augmentation de la pression de capture et de prospection de gîtes n’a apporté qu’une faible contribution à l’amélioration des connaissances. En effet, contrairement aux techniques acoustiques, les données collectées grâce à ces techniques sont restées stables ou en légère augmentation depuis le milieu des années 1990. L’espèce est mentionnée sur 340 mailles de la région (soit une couverture relative de 65,5 %) dont 333 pour la période 2001-2012 contre 80 seulement antérieurement.
Plutôt qu’à une réelle augmentation numérique et spatiale de la population, l’augmentation des données et de la couverture régionale est plutôt à attribuer à l’essor des nouvelles techniques d’observations. De fait, il est impossible de déceler une quelconque évolution des effectifs pour l’espèce, et ce quelles que soient les périodes de l’année.
Acquisition des données en Rhône-Alpes
Dans tous les départements, le détecteur d’ultrasons est l’outil ayant permis la collecte du plus grand nombre de données. La Haute-Savoie, l’Isère et la Drôme cumulent un peu plus de 60 % des données. La capture est la seconde technique fournissant le plus données, à l’exception de la Haute-Savoie où les observations d’individus au gîte arrivent après le détecteur. C’est durant la période d’activité annuelle des noctules que la majorité des données est acquise.
La répartition altitudinale des données montre que 80 % des contacts en activité nocturne sont réalisés en dessous de 1000 mètres. Pour autant, des individus en chasse ou transit sont parfois observés au-delà de la limite supérieure des forêts, à plus de 2000 mètres. Si les zones élevées du département de la Haute-Savoie procurent un nombre relativement important de données, il n’en est pas de même pour la Savoie. Il est probable que la plus faible pression d’observation en soit la cause.
En hivernage, les données sont rares (moins de 1 % des observations). La seule cavité naturelle connue à ce jour abritant l’espèce se trouve en Savoie. Les autres données proviennent de sites anthropiques ou de gîtes artificiels. Un pont ferroviaire, situé dans la vallée du Rhône (Drôme), accueille entre un et cinq individus (suivi régulier en 2009 et 2010). Il est probable que d’autres ponts soient fréquentés.
Sa répartition en période estivale montre des disparités selon les départements mais la progression des mentions de sa présence entre la période concernée par cet atlas (2001-2012) et le précédent est sans équivoque. Il est évident que cette progression est majoritairement due à une augmentation de l’effort de prospection.
À ce jour, une seule colonie de reproduction est connue, dans le département de l’Isère. Cette colonie, installée sous un pont routier, comptait environ 80 individus en juin 2006. Elle n’a pas fait l’objet d’un suivi par la suite mais on peut noter qu’elle était toujours présente en 2013 avec 36 individus dénombrés à la mi juin et 68 à la fin juillet.
Phénologie d’observation en Rhône-Alpes
L’espèce a été contactée tous les mois de l’année en Rhône-Alpes. Les données hivernales en léthargie sont toutefois rarissimes : seules 18 observations concernent des animaux vivants entre novembre et février !
Dès les premières douceurs de fin d’hiver, l’espèce est contactée par la technique de détection acoustique. La proportion d’observations par capture aux filets augmente progressivement dès que les conditions météorologiques permettent la mise en œuvre de cette technique, pour culminer durant les trois mois estivaux. C’est au mois d’août que le maximum de captures est atteint.
L’analyse des données de captures, selon la saison et en tenant compte du sex-ratio, montre des divergences importantes. De fin juin à mi-août, seulement trois femelles ont été capturées contre 285 mâles. Cette période correspond pourtant au pic de l’activité de capture. De fin août à fin septembre, 24 femelles ont été capturées pour 78 mâles. Il en est de même au printemps, de mi-avril à mi-juin (sept femelles pour 57 mâles). Connue pour être une espèce migratrice, l’hypothèse la plus vraisemblable pour expliquer ces résultats est que les mâles restent plus volontiers sur les sites d’hivernage et/ou d’accouplement durant la période estivale, les femelles remontant plus au nord pour accomplir leur cycle de mise-bas et d’élevage des jeunes.
Gîtes utilisés par l’espèce en Rhône-Alpes
Les gîtes connus pour être utilisés par l’espèce dans la région sont peu nombreux. Moins d’une centaine de localités est recensée à ce jour.
Pour cette espèce réputée arboricole, les observations dans des cavités d’arbres font cruellement défaut. Une femelle allaitante, capturée lors d’un inventaire dans les Cévennes ardéchoises, puis équipée d’un émetteur radio, s’est réfugiée dans un hêtre. Le lendemain, l’inspection de l’arbre-gîte ne permettra que de découvrir l’émetteur tombé dans une carie peu profonde, servant probablement d’abri-temporaire…
Durant la période estivale, l’espèce a été trouvée majoritairement dans des gîtes artificiels, mais elle est également observée dans des ouvrages d’arts, des sites anthropiques (derrière des volets) et dans une grotte du Vercors.
C’est lors du transit automnal que la noctule de Leisler est le plus observée au gîte et les « nichoirs » procurent la majorité des données, notamment en Haute-Savoie où un réseau de ce type de gîte est régulièrement suivi. Ces nichoirs recueillent plus de la moitié des contacts visuels à cette période.
Les rares observations hivernales ont été faites dans un gîte artificiel, une mine, deux ponts et un bâtiment.
Le transit printanier correspond à la seconde période où l’espèce est la moins contactée, avec 18 % du total des observations visuelles. Ouvrages d’art, gîtes artificiels et bâtiments fournissent l’essentiel des données.
Près des deux tiers des données en gîtes ont été récoltés sur les seuls départements de la Drôme et de la Haute-Savoie.
Depuis 2000, le nombre de gîtes connus a été multiplié par trois à l’échelle de la région.
Habitats exploités en phase d’activité en Rhône-Alpes
Aucune étude sur les habitats de chasse et le déplacement des individus n’a été menée en Rhône-Alpes. De l’avis des observateurs utilisant la technique de la détection acoustique, l’espèce est contactée dans tous les types de milieux, à l’exception des grandes étendues de monoculture agricole. Adepte du vol en plein ciel, où elle capture de petits papillons de nuit, elle chasse potentiellement partout où ses proies sont présentes. Les captures aux filets en milieux boisés sont cependant très rares mais elle peut cependant exploiter ce milieu en chassant au-dessus de la canopée. Il est toutefois régulier de la capturer lorsqu’elle vient s’abreuver sur des petits cours d’eaux, même très encombrés par la végétation.
Menaces pesant sur l’espèce en Rhône-Alpes
Parmi les différentes menaces classiquement identifiées pour les Chiroptères, deux sont importantes dans la région.
La première concerne la mortalité liée à la présence d’éoliennes sur les territoires de chasse et les axes migratoires. À titre d’exemple, de mai à octobre 2010, la LPO Drôme a conduit une étude sur la mortalité des oiseaux et Chiroptères causée par les éoliennes sur deux petits parcs (Cornut & Vincent, 2011). Sur les 48 cadavres retrouvés, 10 % étaient des noctules de Leisler, majoritairement découvertes en fin d’été et début d’automne. En France, entre 2003 et 2010, 5 % des Chiroptères identifiés et retrouvés morts sous des éoliennes appartenaient à cette espèce (Dubourg-Savage, 2010).
La seconde menace concerne les gîtes arboricoles. Comme toutes les espèces susceptibles d’utiliser régulièrement les cavités naturelles des arbres, la noctule de Leisler est directement concernée par la diminution ou la destruction des arbres à cavités. Bien que n’ayant aucune information précise récoltée sur le sujet en Rhône-Alpes, une littérature abondante existe. Par exemple, en région Champagne-Ardenne, Fauvel (2012) montre que l’espèce utilise les trous de pics, les troncs et branches creux et les fissures, avec une préférence pour ces dernières. En forêt vierge de Bialowieza, en Pologne, Ruczynski et Bogdanowicz (2005) ont montré la préférence de l’espèce pour les cavités naturelles non creusées par les pics. Dans ce site, les arbres morts étaient particulièrement recherchés. Le développement du bois énergie, la recherche de rentabilité maximale, le « nettoyage » des forêts sont des facteurs réduisant fortement la présence d’arbres morts, dépérissants ou accidentés, et diminuant ainsi les cavités-gîtes utilisées par cette espèce.
Protection de l’espèce en Rhône-Alpes
À l’heure actuelle, la noctule de Leisler ne fait l’objet d’aucune mesure de conservation ou d’étude particulière en Rhône-Alpes. Son statut de conservation favorable, en France et en Europe, ainsi que la quasi-absence de populations reproductrices, expliquent certainement cette situation.
La mise en œuvre des recommandations formulées pour la conservation d’arbres-gîtes dans le cahier technique « Gestion forestière et préservation des chauves-souris » (Vuinée et al., 2012) pourrait contribuer à la préservation de l’espèce.
Une grande migratrice
Le comportement migrateur de la noctule de Leisler est connu de longue date. Les individus venant du centre de l’Europe et des pays baltes traversent le continent en direction du sud-ouest, pour profiter de conditions d’hibernation plus favorables. En 2011 et 2012, des séances de captures au filet et d’enregistrements acoustiques ont été menés au col de la Bataille, dans le Vercors (Drôme), entre fin août et fin septembre. Les conditions météorologiques locales influencent grandement les possibilités de capture et surtout les capacités des observateurs à tenir toute ou partie de la nuit. C’est avec surprise qu’un important passage en direction du sud a été observé durant la dernière heure du jour le 2 septembre 2011. Plusieurs dizaines d’individus franchissaient le col, certains se prenant dans les filets. La noctule de Leisler a été l’espèce la plus abondante à ce moment, identifiée grâce au détecteur et à quelques captures. De toutes les espèces au comportement migratoire, elle est également la plus régulièrement capturée. La configuration du site est particulièrement favorable pour approfondir les connaissances en la matière. Aussi, les questions restent nombreuses quant à ce phénomène. D’autres sites favorables devraient être recherchés puis suivis, la présence d’oiseaux migrateurs (hirondelles et autres passereaux) étant un indice intéressant.
Les reprises ou les contrôles de bagues (n=7) confirment ce comportement migrateur de la noctule de Leisler. Plusieurs animaux contrôlés avaient été marqués en Allemagne orientale. Pour l’un d’eux, la distance parcourue est de 810 kilomètres. Autre information intéressante apportée par ces contrôles, les noctules de Leisler semblent fidèles à leur parcours de migration. Deux individus ont été contrôlés au col de Bretolet à trois ans d’écart quasiment jour pour jour !
Lacunes identifiées et actions à engager
Même si l’espèce est observée dans tous les départements de la région, les cartes de répartition montrent des lacunes importantes : secteurs montagneux de la Savoie, nord des départements de la Loire et du Rhône, Dombes et Bresse notamment. Il est probable que cette situation soit plus liée à des défauts de prospection qu’à une réelle absence. Ainsi, la noctule de Leisler serait à rechercher dans ces secteurs. La relative facilité à identifier ses émissions ultrasonores peut permettre, entre autres, de noter aisément sa présence.
Il apparaît aussi que l’espèce est certainement une reproductrice rare dans la région. Toutefois, un suivi régulier de la seule colonie connue à ce jour devrait être engagé, ainsi qu’une recherche poussée dans les zones où des femelles ont été capturées en période de mise-bas et d’élevage des jeunes.