Quelques données chiffrées

Nombre total de données et types de contacts

Nombre total de gîtes et périodes d'occupation

La première mention de l’espèce provient d’un contact acoustique le 20 mai 2003 sur la commune de Satillieu (Ardèche – Gérard Issartel). L’espèce a été capturée pour la première fois en Rhône-Alpes le 13 août 2004 sur la Vernaison à Sainte-Eulalie-en-Royans (Drôme / Isère – Stéphane Vincent).

Aujourd’hui, près de 40 % des données proviennent d’inventaires acoustiques. La détermination en main, malgré certaines difficultés liées à la ressemblance morphologique avec deux espèces proches (murins de Brandt et à moustaches), reste la méthode de terrain la plus sûre pour identifier le murin d’Alcathoé. Elle fournit un peu plus de la moitié des données.

Dans les secteurs où l’espèce est relativement abondante, elle est régulièrement contactée en capture, car cette méthode d’inventaire mène souvent le chiroptérologue dans les milieux de prédilection de l’Alcathoé. En effet, les fonds de vallons boisés constituent des sites adaptés à la capture par l’effet couloir de vol qu’ils représentent, avec ou sans cours d’eau.

Le nombre de données a commencé à être significatif à partir de 2009. Il est donc probable que dans les prochaines années, de nombreuses données permettront de confirmer la présence de l’espèce dans les secteurs a priori favorables et présentant à ce jour un manque de prospections. Le bocage et les forêts de feuillus en plaine de la Dombes et de la Bresse mériteraient de faire l’objet de recherches ciblées sur l’espèce. De façon plus hypothétique, l’espèce pourrait être répandue, sans être abondante, dans les reliefs de l’Ain et les massifs collinéens des départements des Alpes du nord. Des prospections orientées dans ces secteurs dans tous types de boisements pourront confirmer ou non cette hypothèse.

D’une manière générale, une pression de capture mieux répartie sur la région pourra très rapidement nous apporter des éléments pour préciser les connaissances sur la répartition du murin d’Alcathoé. À ce jour, avec une présence notée sur 80 mailles, le murin d’Alcathoé est présent sur 15,4 % de la région.

Les données de murin d’Alcathoé sont concentrées sur la belle saison, de mai à août (92 % des données existantes) et dans une moindre mesure en septembre, ce qui correspond à la période des captures et de la détection acoustique pour les chiroptérologues.

Espèce réputée arboricole et d’identification impossible au gîte, nous ne disposons pas de données hivernales.

Aucun site d’essaimage n’est connu pour cette espèce en Rhône-Alpes, alors que des informations existent dans le Jura Suisse (Schönbächler, comm. pers.). Une donnée ponctuelle de murin d’Alcathoé, sur un site d’essaimage régulièrement suivi dans le Rhône, avec deux mâles capturés fin août 2012, est toutefois à signaler.

La bibliographie présente le murin d’Alcathoé, à toute saison, comme étant a priori exclusivement arboricole rendant ainsi ses gîtes difficiles à localiser. Il existe extrêmement peu de données de gîtes à ce jour dans la région, la quasi totalité des observations se rapportant à des observations en activité.

Six gîtes, dont un de parturition, ont été identifiés en Rhône-Alpes grâce à la télémétrie (cinq dans la Loire et un dans l’Ain). Ces six gîtes étaient arboricoles, toutefois, ni le type de cavité utilisée par les animaux, ni les effectifs des groupes n’ont pu être déterminés. Les arbres gîtes utilisés (trois chênes, un merisier et deux aulnes) étaient des arbres vivants mais présentant dans certains cas des signes de sénescence avancée.

En période estivale, la mention en Drôme d’une femelle isolée à l’arrière d’un volet est à signaler. Ce type de gîte semble cependant anecdotique pour l’espèce qui montre une forte propension à s’installer dans les cavités arboricoles.

L’unique donnée d’observation en gîte hivernal remonte à janvier 2005, dans une grotte ardéchoise. Elle est à considérer avec précaution en raison de la nécessaire utilisation, outre l’aspect morphologique de l’animal, des critères dentaires et de la mesure de l’avant-bras.

À ce jour, aucune étude de radiopistage n’a eu lieu en Rhône-Alpes pour déterminer les habitats et distance de chasse de l’espèce. Cependant, les opérations de télémétrie pour la recherche de gîtes apportent quelques éléments. Dans tous les cas, les gîtes étaient situés à moins de 500 mètres des sites de capture (entre 173 et 407 mètres pour cinq individus équipés), ce qui laisse penser que les habitats exploités en chasse le sont dans un faible rayon. Ceci est cohérent avec les éléments disponibles dans la bibliographie.

Les observations de capture et de détection acoustique nous renseignent cependant sur les milieux exploités par l’espèce en phase d’activité. Le croisement de nos observations et des éléments bibliographies permettent de se faire une idée relativement précise des zones de chasse utilisées par ce murin. Globalement, ces observations tendent à montrer des exigences biologiques moins étroites que ce qui est décrit dans d’autres régions et pays.

Les milieux les plus exploités par l’espèce sont les vallons boisés frais présentant une végétation dense. Le murin d’Alcathoé est l’une des espèces les plus capturées dans les fonds de vallons boisés des Monts du Lyonnais, du Beaujolais, des Boutières, du Vivarais et du Pilat. L’espèce exploite également la forêt mixte ainsi que les plantations de résineux : plusieurs captures ont été faites dans le Beaujolais. Ailleurs en plaine, elle exploite la ripisylve en contexte bocager. Dans le Val de Saône, l’espèce a même été capturée dans une ripisylve dégradée avec des robiniers. Enfin, l’espèce a été contactée à une seule reprise en forêt alluviale du Rhône (au sud de Lyon) mais cette donnée isolée est un contact au détecteur d’ultrasons et la présence de l’espèce en milieu alluvial aura besoin d’être confirmée.

La capture au filet montre également que l’espèce chasse et transite au contact de la végétation. Elle se prend la plupart du temps en limite de filet, que ce soit sur les marges des allées forestières ou tout en haut de la voûte (chemin, rivière). Elle utilise également les lisières externes des ripisylves, longeant la végétation en milieu semi-ouvert.

Les données de capture ne font pas apparaître de ségrégation sexuelle altitudinale.

Par la nature arboricole de ses gîtes, la gestion forestière peut donc être une menace chaque fois qu’elle élimine systématiquement les arbres sénescents. En ripisylve, les enjeux sont particulièrement forts. Or les gestionnaires éliminent souvent les vieux arbres par crainte d’endommagement des ouvrages d’art lors des épisodes de crue. Ce milieu souffre aussi fréquemment en zone agricole où il peut être réduit voire éliminé à la faveur de surfaces en herbe.

Malgré les connaissances lacunaires dont nous disposons sur les habitats de chasse de l’espèce, nous pouvons pressentir quelques éléments de menace pesant sur ces espaces. La disparition de la ripisylve réduit les zones de chasse et/ou de transit. La dégradation de la qualité des boisements peut également représenter des menaces. Si, comme on l’a vu précédemment, le murin d’Alcathoé s’aventure en forêt mixte et à proximité des plantations de résineux, l’enrésinement massif sur certains secteurs apparaît défavorable car il banalise les milieux et réduit fortement la ressource alimentaire. De manière plus générale, l’espèce ayant besoin d’un sous-étage dense pour chasser, les plantations et les modes de gestion ne favorisant pas de sous-étage sont autant de zones peu ou pas favorables pour le murin d’Alcathoé.

Dans la Loire, deux gîtes de reproduction du murin d’Alcathoé ont été trouvés en 2012 dans le cadre d’inventaires conduits sur un site Natura 2000. Cette découverte va permettre une prise en compte effective de l’espèce et devrait conduire à la protection des gîtes. Les arbres ont été marqués afin qu’il soit maintenu sur pied et exclu de tout martelage futur. Hormis cet exemple, il n’y a pas, à ce jour, de protection directe mise en place pour les gîtes du murin d’Alcathoé ou ses territoires de chasse.

De manière indirecte, la protection de zones forestières, notamment en bordure de cours d’eau, est favorable à l’espèce, en particulier dès qu’on y introduit la notion de conservation de vieux arbres et de présence d’un sous-étage. Cela peut être le cas des zones bénéficiant d’un statut de protection et/ou de gestion particulier (Natura 2000, RNR, APPB…). Les territoires sur lesquels il existe un contrat de rivière peuvent s’avérer favorables pour la protection du murin d’Alcathoé, si le maintien ou la restauration des ripisylves sont effectifs.

Décrite récemment, l’espèce reste encore mal connue. Les nouvelles données qui ne sauront manquer dans les années à venir apporteront des éléments de connaissance sur sa répartition et son abondance, notamment là où elle est déjà présente. En complément, il serait intéressant de chercher ses gîtes pour les protéger et d’étudier ses territoires de chasse pour mieux connaître les habitats utilisés par le murin d’Alcathoé. La recherche et la découverte de sites de swarming permettra de connaître un peu mieux la biologie du murin d’Alcathoé. Cette amélioration de la connaissance de l’espèce permettra également d’évaluer son statut de conservation.

En ce qui concerne la protection des gîtes en ripisylve, il serait important, étant donné les enjeux, de travailler plus étroitement avec les structures porteuses de contrats de rivière, pour initier ou renforcer, selon les cas, les actions de restauration et de protection des ripisylves.

Pour le milieu forestier en général, les mesures favorisant la biodiversité en forêt seront également profitables au murin d’Alcathoé, en particulier les îlots de sénescence, et tous les types de gestion favorisant un sous-étage développé (forêt jardinée, régénération spontanée…) et un vieillissement des boisements.