• Grande noctule
    Nyctalus lasiopterus Schreber, 1780
Grande noctule © F. Sané

Quelques données chiffrées

Nombre total de données et types de contacts




Première mention en Rhône-Alpes

Deux femelles sont capturées en octobre 1962 au col de Cou, commune de Samoëns en Haute-Savoie (Source : observateur anonyme – capture aux filets par des ornithologues suisses sur le site frontière franco-suisse des cols de Cou-Bretolet)

Distribution actuelle

État des connaissances sur la répartition de la grande noctule

La grande noctule est une espèce ouest-paléarctique dont la répartition reste encore peu connue ; elle est présente dans les zones tempérées mais semble plus fréquente dans le sud de l’Europe.

Le développement et les progrès des techniques de détection acoustique, ainsi que diverses opportunités de collectes, ont par ailleurs permis de prouver, au cours des quinze dernières années, la présence de la grande noctule dans plusieurs régions françaises.

Chez cette espèce, les données européennes semblent attester une répartition différente entre mâles et femelles, en lien avec la latitude ou l’altitude. Des migrations saisonnières ont également été notées.

En France, en dehors de Rhône-Alpes et mises à part les quelques données sporadiques, l’espèce est principalement connue en Aquitaine, Auvergne, Limousin, Midi-Pyrénées et Corse. Les données s’articulent autour de trois noyaux : l’Aquitaine, le Massif central et la Corse. Les données rhônalpines de la Loire, du Rhône et de l’Ardèche peuvent sans doute être rattachées au noyau du massif central. Les autres données sont trop sporadiques pour tenter de les rattacher à une population et pourraient également traduire la présence d’individus en transit.

À ce jour, les 25 données rhônalpines recueillies concernent six départements, la Savoie et l’Ain n’ayant à ce jour pas fourni de données. Par ailleurs, tous les contacts ont été collectés en période d’activité, entre avril et octobre. Seules trois données se réfèrent à des individus capturés, les 22 autres correspondent à des contacts acoustiques. Aucun gîte n’est actuellement connu en Rhône-Alpes.

La majorité des données (88 %) a été collectée entre 250 et 1000 mètres. Deux données proviennent de cols d’altitude (1930 mètres), en période de transit automnal.

L’espèce semble principalement arboricole et affectionner des milieux forestiers. Elle exploite toutefois également des zones plus anthropisées, voire urbaines, avec des grands parcs. La présence de vieux arbres offrant en particulier des gîtes potentiels paraît importante.

Grande noctule

Evolution des connaissances et des effectifs en Rhône-Alpes

Jusqu’en 2007, l’espèce n’était connue en région Rhône-Alpes qu’à travers deux données collectées dans les années 1960 et provenant des cols de Cou et Bretolet, crête frontière franco-suisse d’altitude entre la Haute-Savoie et le Valais suisse. Deux individus y ont été capturés en 1962 et un autre en 1965 dans les filets de baguage de la station ornithologique suisse. Il s’agissait même alors des deux seules mentions françaises.

Espèce de haut vol, probablement peu abondante et peut-être principalement visiteuse occasionnelle ou saisonnière, elle n’est pas aisément sujette à des captures dans des conditions de pratique « classiques ».

C’est avant tout grâce à l’avènement des techniques de prospection acoustique et à du matériel performant que les contacts se sont multipliés. Les émissions acoustiques de cette grande espèce sont intenses et donc détectables à de bonnes distances (probablement plus de 200 mètres). Toutefois ce n’est que depuis les années 2000 que des critères acoustiques discriminants ont été trouvés, permettant de reconnaître l’espèce et donc de détecter sa présence à l’aide de détecteurs d’ultrasons (Barataud, 2002 & 2012). Ainsi, plus d’une vingtaine de contacts ont été collectés par cette technique depuis mai 2007 signalant la présence de l’espèce dans cinq autres départements rhônalpins.

Les difficultés d’observation de cette espèce particulièrement discrète ainsi que sa probable rareté expliquent certainement le nombre encore faible de données. Nos connaissances restent de ce fait encore très maigres et fragmentaires.

D’une manière générale, les observations de grande noctule sont éparses à travers la région et diffuses dans le temps. Seuls deux secteurs semblent présenter des fréquences de contacts qui laissent espérer la présence régulière de l’espèce, voire d’une population installée. Depuis quelques années le Haut-Vivarais (vallée du Doux, bassin de l’Eyrieux), malgré une pression d’observation peu importante, a permis de collecter des informations en période estivale. C’est néanmoins dans les Monts du Lyonnais que nous supposons la présence la plus probable d’une population installée, où les contacts acoustiques crépusculaires de plusieurs individus ont été notés à plusieurs périodes au cours d’un été.

À l’échelle de la région, les prospections menées ont permis de faire progresser la connaissance de la distribution effective de l’espèce. On note alors un gain de 13 mailles depuis 2001, soit une progression qui permet d’atteindre 3 % de couverture relative de la région (15 mailles sur 519).

Aucune colonie ni gîte ne sont connus et nous ne disposons donc pas de données concernant les effectifs et l’évolution des populations.

Acquisition des données en Rhône-Alpes

L’Ardèche et le Rhône sont les départements qui fournissent le plus d’observations, respectivement sept et dix, suivis de la Drôme, la Loire, la Haute-Savoie et l’Isère (quatre données ou moins).

Les variabilités spatiale et temporelle de ces données sont sans doute dues :

  • à leur nombre total faible,
  • aux difficultés de détection et de capture inhérentes à cette espèce principalement de haut vol et certainement peu abondante,
  • au fait que dans plusieurs départements, les contacts sont groupés dans des mêmes secteurs suite à des efforts de prospection assidus réalisés localement avec l’utilisation de détecteurs d’ultrasons en particulier.

Une donnée ardéchoise et les deux données haut-savoyardes proviennent de captures au filet (en août sur une rivière dans le premier cas, en septembre-octobre sur col d’altitude dans le second cas). Les trois données concernent des femelles mais nous ne disposons pas d’information sur l’âge et l’état sexuel des noctules de Haute-Savoie. L’individu capturé en Ardèche était une femelle mais qui n’avait pas allaité au cours de l’année.

L’ensemble des autres données (88 %) correspond à des contacts acoustiques durant la période d’activité (entre avril et septembre).

On ne dispose, à ce jour, d’aucune donnée en période hivernale sur la région.

Phénologie d'observation en Rhône-Alpes

Grande noctule

La petite trentaine de données rhônalpines collectées se répartit à 68 % en période estivale, 4 % en période de transit printanier et 28 % en période de transit automnal.

L’espèce est connue pour son comportement migratoire et vagabond, en particulier pour les populations les plus septentrionales de son aire de distribution eurasiatique. Il est possible que les données collectées en période de transit, printanier ou automnal, concernent des individus en cours de déplacement. Les données collectées en période estivale pourraient concerner des individus d’une population résidente voire reproductrice en Rhône-Alpes.

Gîtes utilisés par l'espèce en Rhône-Alpes

À ce jour, aucun gîte n’est connu en région Rhône-Alpes. Ailleurs, les gîtes identifiés sont principalement des cavités d’arbres dans des boisements feuillus ou résineux ; plus rarement, certains gîtes estivaux peuvent être des gîtes artificiels, des fissures rocheuses, des anfractuosités de murs de bâtisses

Habitats exploités en phase d'activité en Rhône-Alpes

Les localités rhônalpines ayant fourni des données de grande noctule présentent des contextes paysagers très variés : de la garrigue aux pelouses alpines en passant par les milieux collinéens ou montagnards, avec ou sans forêt , aucune tendance ne semble se dégager. Cette difficulté à dégager les caractéristiques des secteurs exploités peut s’expliquer par le grand rayon d’action de cette espèce. En effet, des individus ont pu être contactés alors qu’ils transitaient au-dessus de milieux non recherchés. Ces grandes capacités de déplacement pourraient lui permettre d’exploiter de vastes étendues et milieux variés en fonction de l’abondance des proies.

Dans certaines régions de son aire de distribution européenne, une ségrégation sexuelle altitudinale et/ou latitudinale semble être de mise chez la grande noctule : localement, seuls des mâles ou des femelles peuvent être contactés.

Une chauve-souris ornithophage !

Portrait de grande noctule © C. Schönbächler

Parmi les Chiroptères européens, tous essentiellement insectivores, la grande noctule est la seule qui est en partie carnivore (Popa-Lisseanu et al., 2007). En effet, son régime alimentaire qui parait assez opportuniste et variable en fonction des régions et des époques, comprend des oiseaux pouvant représenter, à certaines périodes de l’année, une part importante (présence de restes aviens dans 70 % des crottes au sein d’échantillons collectés au printemps et en automne en Espagne).

Les oiseaux prédatés appartiennent à diverses espèces de petits passereaux : rougegorge, sylviidés, mésange bleue, etc… Si certains de ces passereaux peuvent être capturés dans leurs gîtes nocturnes, d’autres semblent faire l’objet de captures en vol suivies de leur consommation également dans les airs, parfois à de grandes hauteurs.

Menaces pesant sur l'espèce en Rhône-Alpes

À l’heure actuelle en Rhône-Alpes, l’absence de connaissance sur les gîtes et la rareté des données rendent difficile l’évaluation des menaces pesant sur la grande noctule. Les menaces potentielles classiquement évoquées pour l’ensemble des populations de Chiroptères semblent valables également pour cette espèce. Toutefois, dans l’état actuel de nos connaissances, soulignons qu’une exploitation irréfléchie et excessive de vieux boisements forestiers avec grands arbres peut localement représenter une réelle menace.

En outre, compte tenu de certains aspects de la biologie de cette chauve-souris de haut vol, il est probable que les éoliennes représentent un danger potentiel important. À plusieurs reprises, des cadavres de l’espèce ont été récoltés sous des éoliennes de l’Aveyron.

Protection de l'espèce en Rhône-Alpes

Aucune mesure de protection particulière n’a été mise en œuvre en Rhône-Alpes, toutefois les mesures de gestion visant au vieillissement des forêts ainsi qu’au maintien d’arbres à cavités sont potentiellement favorables à cette espèce.

Grande noctule © F. Sané

Lacunes identifiées et actions à engager

Le manque actuel de données concernant cette espèce ne peut qu’encourager à intensifier encore nos campagnes de prospections acoustiques dans le but de préciser sa répartition dans notre région. Ceci pourrait permettre en outre de mettre en évidence des secteurs plus activement fréquentés et, dans la foulée, d’intensifier sur ces sites les opérations de captures au filet. L’examen en main d’individus ainsi capturés devrait permettre de lever un peu le voile sur le statut biologique de cette espèce (sexes représentés, reproduction…). Lors des opportunités de captures, la pose de micro-émetteurs sur les individus semble être un outil intéressant à prévoir pour la découverte de gîtes (repos diurne, reproduction), leur suivi et leur protection